Trick or Treat [pv Kailey]

« - Je… je n’ai pas pu… le tuer… il… il était pourtant juste devant moi… mais… » Commençais-je, pensif.


Je relevais finalement la tête, venant dans le salon, rejoindre l’urne, toujours à sa place, sur la cheminée.
Je m’asseyais dans mon fauteuil, m’y enfonçant totalement…
Si j’avais pu m’y cacher, je l’aurais fait, je crois…


« - … Kailey… elle était là aussi… dans ma tête… et… si je tue des humains, je la perdrai pour toujours… et ça… » Entamais-je, avant de baisser la tête, les yeux plus animés que je l’aurais voulu. « … ça m’est insupportable… c’est insensé mais… je ne veux pas qu’elle s’éloigne… » Soufflais-je, contenant difficilement ma peine et ma rage…


…
Toma devait me trouver bête…
Ou pas en fait…
Il avait toujours prôné un monde pour les humains et les vampires en harmonie…
Alors me voir faire du sentiment envers une humaine et renier mon appartenance aux vampires pour elle devait le réjouir…
Il avait toujours été un vampire très humain…
Sacré grand frère…

Moi je…
Je ne me sentais pas très bien…
Ça faisait déjà longtemps que je n’avais pas autant gardé une blessure…
D’ordinaire, je m’abreuvais rapidement pour oublier ça…
Mais cette fois…
Visiblement, j’allais la garder un petit moment… et ça faisait un mal de chien !


« - J’espère toutefois que… ce n’est pas déjà trop tard… » Laissais-je échapper, le regard dans le vague…


…
Non !
Bien sûr que non !
Voilà ce que la voix de Toma criait dans ma tête.
Et… j’avais bon espoir qu’il ait raison…
Il n’était peut-être pas trop tard…
Malgré ma dernière phrase assassine, qui lui demandait de se présenter à moi lorsqu’elle aurait le courage de me tuer…
L’espoir faisait vivre… même les vampires, que voulez-vous…

Mais je…
Je ne voulais pas y penser, je…
J’avais laissé vivre un humain…
Pour la première fois de mon existence… pour Kailey… j’avais épargné quelqu’un…
Alors je…
Je voulais dormir… cesser de penser… parce que je ne parvenais à rien…


« - Je vais me coucher… bonne nuit grand frère… » Lui soufflais-je avant de descendre au sous-sol, dans ma chambre.


Je rejoignais la chambre et passais à côté du cercueil en décrochant un petit sourire…
Non, les cercueils n’étaient plus pour moi…
…
Tain, vive les préjugés quoi…
Vous croyez que je me transforme en chauve-souris aussi ?!

Non, autrefois je dormais dans un cercueil…
Mais depuis que j’avais rencontré Marc, mon avis avait changé là-dessus…
Ce type avait été enfermé dans un cercueil pendant dix ans !
Il était devenu complètement cinglé, et avait du être reconditionné pour réintégrer la société…
Moi, je ne voulais pas me faire piéger dans mon propre cercueil… alors je dormais dans un lit, comme les humains… sauf que j’étais au sous-sol, sans fenêtre pour m’apporter les lueurs malfaisantes du soleil…

Je me couchais sur le lit, méditant sur cette soirée pendant de longues minutes avant de réussir à m’endormir…
Un sommeil réparateur…
D’ailleurs, les jours suivants, ma blessure commençait à bien guérir…
Mais de mon côté, je ne me nourrissais pas…
Ce qui n’était pas super bon non plus…

Et le vendredi arriva à grand pas…
Comme une délivrance…
D’ordinaire, je détestais ça…
Mais là, ça me permettait de ne pas penser à Kailey… à ce vieux qui était toujours en vie… et au fait que j’avais besoin de me nourrir quand même…

Je me rendis donc à Kensington…
Ça allait faire cinq jours que je n’avais pas vu Kailey…
Ça me semblait déjà une éternité…
Mais pour être franc, je ne savais pas vraiment comment aller vers elle…
Donc je me contentais de laisser le temps au temps…
On verrait bien ce qui arriverait… et sinon, je forcerais un peu le destin, tant pis…

Pour l’heure, j’arrivais au « Vamp Hyre »…
Le garde me laissa entrer aussi facilement que d’habitude, et je remarquais que la foule avait nettement diminué aujourd’hui…
L’ambiance était plus calme…
Ça ne faisait pas de mal à cet endroit…
C’était toujours trop bruyant…

Alessandra était déjà là, derrière le bar, alors que ce taré de Zango attendait, assis sur sa chaise, me fixant avec un air assez… dérangeant…
Franchement, il pouvait pas me lâcher celui-là !
Il y avait pourtant mieux à voir, et pour le coup, je parlais d’Alessandra, dont la tenue était particulièrement intéressante, de par le décolleté qu’elle offrait à l’italienne.

Je zappais immédiatement mon voisin de chaise pour me diriger vers le bar…
La pauvre Alessandra semblait s’ennuyer mortellement, avec si peu de clients… et surtout personne à son bar pour lui faire la discussion…
Elle qui parlait sans cesse, ça devait lui clouer un peu le bec… tant mieux…
Parce que ce qu’elle était chiante parfois…


« - Ah Luca… chéri, te voilà ! » S’exclama-t-elle en bombant fièrement le torse.
« - En chair et en os… tu as quelque chose à boire pour moi Alessandra… ? » Lui demandais-je directement, plus intéressé par ses boissons que par sa personne.
« - Je te sers ça chéri… » Lâcha-t-elle avec un clin d’œil, en me servant un verre de sang… « … du O, le meilleur… » Poursuivit-elle.


Euh…
J’avais des doutes…
J’étais… un peu réticent en fait…
Si le sang humain me faisait péter les plombs et en vouloir plus ?
J…
Je ne voulais pas prendre ce risque…


« - T’aurais pas autre chose que du sang humain… ? » La questionnais-je, l’air de rien.
« - Mais si chéri ! J’ai tout ici ! » M’accusa-t-elle presque, avant de se pencher face à moi pour sortir ce qu’elle cherchait…


…
Bon, c’était une saloperie et tout ça…
Et surtout je ne l’aimais pas vraiment mais…
Je ne savais pas si elle avait tout…
Mais elle avait quand même tout ce qu’il faut…
Mais malgré cette remarque et le fait que sa poitrine déborde quasiment de son décolleté, je n’éprouvais pas vraiment l’envie d’aller dans le bureau pour me la faire…
En fait, je ne pensais qu’à Kailey… et au choc que ça lui ferait d’entendre que j’avais arrêté le sang humain…
Elle n’allait pas en croire ses oreilles…

Et…
Euh, sans vouloir critiquer personne…
Je trouvais ma chasseuse nettement plus sexy qu’Alessandra Stratti…
Alessandra se promenait presque en petite tenue…
Il ne lui manquait qu’un écriteau au-dessus du cul : « Tirez-moi », et on aurait pu l’élire salope de l’année…
Ça manquait un peu de classe on va dire…

Tandis que Kailey était dans un registre beaucoup plus classe… beaucoup plus sensuel…
Ce n’était pas sexy dans le genre sexuel, contrairement à la vampire…
Chez la demoiselle, c’était un sexy aussi joli qu’attirant…
Et à titre exclusivement personnel, j’adorais…

L’italienne sortit donc une bouteille de sang et m’en servit…
C’était… du sang de porc…
Le second meilleur après l’humain, d’après Alessandra…
Moi, ça m’allait, du moment que ce n’était pas humain et que ça ne me donnait pas envie d’aller massacrer des petits mecs…

Je me retournais alors, fixant au loin mon éternel rival, ce salopard d’« Assoiffé »…
Lui, il continuait de me dévisager de la même manière…
Je…
J’avais toujours l’impression qu’il savait quelque chose… une chose qui m’échappait…
Le genre de mecs à connaître vos moindres secrets…
Mais qui, dieu merci, les garde pour lui…


« - Les affaires vont un peu moins bien depuis ta petite scène de l’autre jour… » Commença Alessandra avant d’enrouler ses bras autour de moi. « … qui était cette fille ? » Poursuivit-elle.
« - Lâche-moi ! Ça te regarde pas ! » Enrageais-je, en m’éloignant de son étreinte.
« - Ça me regarde, c’est votre faute si… » Me reprocha-t-elle.
« - La scène que j’ai montée l’autre soir, c’est ce qui se produira vraiment un jour si tu interdis la violence ici ! Ça nous pend au nez à tous, les chasseurs ne se battent pas à la loyale ! » La coupais-je sèchement, avant de boire cul-sec mon verre de sang de porc… pas si mauvais que ça… même si ça n’avait rien à voir avec l’humain…


Mais là…
Je ne m’attendais pas à ça…
Dans mon dos, j’entendis un bruit, et je fis immédiatement volte-face…
Zango… L’Assoiffé, debout, juste devant sa chaise…

« - Oui… c’est vrai que tu t’y connais en chasseurs… Luca… » Cracha-t-il, neutre.


Et l’instant d’après, il avait disparu, se faufilant dehors à l’aide de sa super-vitesse…
De… qu’est-ce que… ?
Quelques murmures et quelques chuchotements résonnèrent dans la salle…


« - … quoi, tu sais pas… ? Le frère de Luca a été tué par des chasseurs… »


Oui, ce genre là…
Mais…
Mais est-ce qu’il parlait vraiment de ça… ?
Est-ce que Zango faisait vraiment allusion à Toma… ?
Je…
J’en doutais…

Pour moi, il était clair que cette allusion faisait référence à Kailey…
Mais…
Comment pourrait-il savoir… ?
Comment… ?
Que… ?

En ayant assez de réfléchir, je me lançais à sa poursuite, à l’aide de ma super vitesse moi aussi…
Où pouvait-il être… ?
Surtout qu’il ne laissait que peu de résidus de son odeur derrière lui…
Ca salaud savait brouiller sa piste…

Mais…
Je le retrouvais tout de même…
A l’orée de la forêt…
Là où j’avais emmené Kailey la première fois… lorsque je l’avais sauvée…
Il… m’y attendait… ?


« - Qu’est-ce que tu sais ?! » Le sommais-je en apparaissant.
« - Cette fille est une chasseuse pas vrai… ? » Me demanda-t-il.
« - T’es débile ou quoi ?! Qu’est-ce que je ferais avec une chasseuse ?! » Lui lançais-je, niant ce qui semblait être une évidence à ses yeux.
« - … bonne réponse… mais un conseil… méfie-toi des regards indiscrets… tous les vampires ne savent pas tenir leur langue… » Répondit-il, furetant aux alentours.
« - T’es parano ma parole… » L’assommais-je, l’air détaché.
« - … bonne chance… » Conclut-il avant de faire de nouveau jouer sa super-vitesse, quittant définitivement les lieux.


Bonne chance… ?
Je comprenais rien moi…
Il était de mon côté ce type… ?
C’était quoi ça, bordel ?!
Pfff…
Je détestais les mystérieux dans son genre !

…
Pour le reste de la soirée, je m’étais contenté de prévenir Alessandra qu’elle n’avait pas besoin de moi, et avais quand même emporté quelques bouteilles de sang de porc chez moi…
Bah… ça pouvait toujours servir…
Et les jours avaient continué de défiler…
On se rapprochait d’ailleurs d’Halloween.

Une drôle de fête…
Mais un jour pendant lequel je pouvais être un vampire…
Je pouvais côtoyer des tas d’humains sans que ça paraisse louche ni rien…
C’était un bon jour quand même !
Même si ça montrait bien le fossé qui séparait les humains des vampires…
Mais ça, Kailey le faisait très bien aussi…

Mais j’avais eu une idée…
La soirée d’Halloween…
J’avais bien attendu mais…
A vrai dire, je n’en pouvais plus…
Je… je voulais revoir Kailey !
Alors je ferais le premier pas…
Et le soir d’Halloween serait parfait…

J’avais donc décidé de me servir de mon téléphone…
C’était un truc que je ne faisais… pour ainsi dire, jamais…
Ça ne me venait même jamais à l’idée…
Mais cette fois, j’allais avoir besoin d’aide…
Et se servir un peu des gens pour parvenir à ses fins était toujours facile pour moi…
C’était un peu… mon domaine…

Je saisis donc le combiné, composant le numéro.
…
… …
… … …


« - Campfield Palace, bonjour ! » S’écria une voix, féminine à souhait à l’autre bout du fil.
« - … Ashley… ? » M’interrogeais-je.
« - C’est moi, mais… Luca, c’est vous ? » S’étonna la blondinette.
« - En personne. » Me contentais-je de répliquer.
« - Désolée mais… Kailey n’est pas là… » Répondit-elle, désolée.
« - Ça tombe bien, je voulais lui faire une surprise… j’aurais besoin de vous et du patron… » Soufflais-je, presque désespéré.
« - J’ai mis le haut-parleur, demandez-nous ce que vous voulez, Luca ! » Poursuivit Ashley, apparemment contente de pouvoir aider.
« - C’est un peu gênant mais… je voudrais commander un gâteau, on m’a dit que vous en faisiez pour Halloween… » Demandais-je, feignant un air penaud.
« - Vous êtes bien renseigné ! » Glissa le patron, apparemment satisfait de ses affiches de pub déposées un peu partout.
« - Oui, j’en voudrais bien un, avec pour motif une hache plantée dans le sol… » Demandais-je, presque gêné.
« - Ça doit pouvoir se faire, pas de problème. » Répliqua Ashley, à la place du patron.
« - Et j’aurais une autre requête… que vous demandiez à Kailey de le livrer au manoir… sans lui dire que c’est pour moi bien sûr ! … pour la surprise… » Continuais-je…
« - Mystérieux et romantique, bon choix ! » Rétorqua la blondinette avec excitation.
« - Très bien, et je lui donnerai même sa soirée Luca… mais à une condition, que vous reveniez boire un verre ici après Halloween… on vous compte parmi nos habitués maintenant… » Ajouta le patron, carrément conciliant.
« - Pas de problème, merci encore, et pardon pour le dérangement. » Glissais-je en raccrochant.
« - Pas de problème. » Conclut le chef.
« - Mais vous ne dérangez pas du t… » Commença Ashley tandis que j’éloignais le combiné de mon oreille.
« - Raccroche ce téléphone Ash… » Entendis-je en raccrochant le mien.


Et enfin, les ultimes jours passèrent…
Et… je buvais mon sang de porc…
Ce n’était pas exceptionnel… mais je m’habituais lentement… ce qui était plutôt une bonne chose en fait !
Mais ma blessure elle, guérissait du coup plus lentement…
J’en portais d’ailleurs toujours une cicatrice sur le ventre, même si dans quelques jours, ce ne serait plus qu’un lointain souvenir…

Et donc…
Le soir tant attendu arriva…
Je me préparais tranquillement de mon côté…
Bon, je n’avais pas besoin d’artifices comme du parfum et tout ça, mais une petite odeur sauvage supplémentaire ne pourrait lui faire que plus d’effet…
Je…
J’appréhendais un peu en fait…

Je m’habillais tranquillement, ne m’attendant pas à la voir débarquer trop tôt ce soir là…
Mais lorsqu’on sonna à la porte, je fus bien obligé d’écourter ma préparation et d’aller ouvrir…
J’étais donc en pantalon, toujours torse nu…
Je me précipitais en bas, glissant un clin d’œil un poil provocateur à Toma avant d’aller ouvrir la porte…
Ma main resta sur la poignée quelques secondes avant que je n’ouvre la porte.

Et d’un coup, je l’ouvris, découvrant… la splendidement sexy demoiselle qui m’attendait derrière…
Je…
Waow…
C’était surprenant tout de même !
…
Petit déguisement de… magicienne, si je m’en fiais à ce à quoi elle avait l’air…
Particulièrement réussi en tout cas !

Elle était… magnifique… avec sa petite boîte à gâteaux dans les mains…
Un petit chapeau noir sur la tête, les cheveux assez fous, avec une très longue mèche qui tombait le long de sa joue… maquillée… d’une façon éclatante, mais qui était particulièrement plaisante, et qui lui collait parfaitement au teint…
Ça plus sa tenue de folie, dont le décolleté était nettement plus délectable encore que sa tenue du « Vamp Hyre »…
Oulà, je voulais bien qu’elle me fasse disparaître celle-là…

Je restais donc, comme ébahi devant ce tableau, observant la demoiselle avec la bouche entrouverte, ne trouvant pas mes mots, et trop obnubilé par son allure particulièrement splendide et sexy pour parvenir à m’en sortir…
Mais je le fis quand même, à contrecœur, fixant la demoiselle dans les yeux, avec un sourire amusé.


« - Joli costume Magicienne… mais je crois que vous avez fait disparaître une partie de votre tenue… » Lâchais-je en fixant son décolleté la bouche exagérément grande ouverte, avant de lui glisser un clin d’œil taquin.


Je plaçais alors lentement mes mains sur mes hanches, m’affichant comme un de ces top modèles… que je trouvais toujours assez peu enviables quand je me regardais dans le miroir…


« - Qu’est-ce que tu penses du mien… ? Je l’ai appelé… vampire torse nu. » Avouais-je, avant qu’un rire léger ne m’échappe.


…
Bon…
Au moins, la conversation était lancée !
Ce qui était une bonne chose…
Surtout que j’avais fait fort dans le style plaisanterie…
Mais désormais, il fallait enchaîner…

Je lui pris alors de manière un peu abrupte le paquet des mains…
Mais…
Qu’est-ce que j’avais ?!
Je ne sais pas mais…
La situation me rendait un peu nerveux…
L’idée qu’elle décide tout simplement de s’en aller à jamais peut-être…
En tout cas, j’étais crispé…

Je retournais la boîte et l’ouvrais vers elle, afin qu’elle voit le gâteau… et le dessin qui y avait été fait…
Et en le dévoilant à nos yeux ébahis, je vis… une genre de poule qui bectait le sol…
Pour moi, ça n’avait rien à voir avec une hache !
Elle n’allait jamais comprendre !


« - Ah… désolé, c’était sensé être une hache… et là, j’allais te proposer d’enterrer la hache de guerre… mais ce dessin me fait plutôt penser à… une poule… » Avouais-je, assez déçu de ma surprise complètement ratée…


Une légère douleur se fit alors ressentir là où ce vilain pieu m’avait frappé…
J’y portais alors la main, retenant un cri, mais pas la petite expression de douleur qui se peignait sur mon visage…


« - Je me suis dit que le jour d’Halloween, tu accepterais peut-être une soirée avec un vampire… » Soufflais-je, presque gêné.


Presque !
J’étais pas un de ces petits humains mollassons non plus !
Non, mais…
J’avais tellement peur de la voir refuser…
Et je ne le voulais pas !


« - Le patron est déjà d’accord si tu veux rester… alors… me ferez-vous l’honneur, oh Grande Magicienne ? » Lui demandais-je en posant un genou à terre, lui faisant une révérence abusive.


Pour l’heure, tout ce qui comptait, c’était qu’elle reste…
Après, on aurait tout le temps de parler…
De s’expliquer sur certains thèmes ou…
Enfin, je voulais seulement qu’elle reste…
Et ce stress me mettait dans un drôle d’état… un état de nervosité assez conséquent…

La journée qui avait suivis j’avais passé tout mon temps à ressasser notre conversation, à visualiser sa mine défaite…
Je le haïssais !
Ça c’était très clair dans ma tête !
Penser à lui avait d’ailleurs la faculté de me mettre en rogne… et je n’avais aucune envie de le revoir !
Ce dont j’avais envie par contre c’était de… de ressentir encore.
De vivre encore complètement… et pas seulement à moitié comme je l’avais fais si longtemps hormis pendant mes traques.

Et puis, deux jours étaient passés et il ne s’était pas repointé.
C’est là que j’avais commencé à croire qu’il était sérieux et ne reviendrait plus.
C’était rassurant !
Ashley et tous les autres seraient en sécurité ainsi !
Quant à moi, j’allais recommencer à jouer les différents rôles de mon existence sans avoir à craindre de la voir s’effondrer comme un château de cartes.
Sauf qu’à partir de cet instant, tout ce qui m’importait auparavant… me sembla futiles.
J’étais tellement blasée…

Toutefois, je tentais de résister à ça et de me ressaisir !
J’essayais de participer aux conversations et de m’intéresser aux personnes autour de moi.
A Chris notamment…
Allez savoir pourquoi mais depuis ce qu’avait dit Luca je… j’entrevoyais la nécessité pour moi de… me rapprocher d’un garçon « normal ».
Je me disais que ça suffirait peut-être à faire taire ces émotions dérangeantes qui m’avaient assaillie au contact du vampire…

Malheureusement… malgré mes efforts, Chris restait génial… génialement amical.
Non décidemment, je n’éprouvais aucune attirance pour lui.
Pour personne en fait… ça ne devait pas tourner rond dans ma tête.
On disait que les filles de mon âge étaient censées avoir un petit copain, sortir et tout ça… néanmoins il était évident que je n’avais pas les mêmes aspirations que la majorité.
Mais bon, je ne m’en portais pas plus mal.

En ce qui concernait le contact du suceur de sang, je… je n’avais pas d’explications.
J’aurais adoré en avoir mais… non.
J’évitais avec ferveur d’y songer pour ne rien vous cacher.
Parce que le simple souvenir de ses lèvres sur ma peau suffisait à me troubler dangereusement.
J’avais conscience que ça n’aurait pas du avoir sur moi un tel effet mais… je n’y pouvais pas grand-chose en fait.

Comme vous pouvez le constater, j’avais beaucoup de choses sur lesquelles j’évitais de méditer.
Tout ce qui touchait de près ou de long à cette créature nocturne qui m’avait horriblement chamboulée et qui le faisais encore malgré moi.
C’est pourquoi je me montrais particulièrement zélée ces derniers jours.
Je passais les trois quart de mes journées au « Campfield Palace », travaillant au maximum faisant parfois des journées inhabituellement longues.

Au moins, je rentrais épuisée et tombais de sommeil dès que je m’installais dans le lit…
Un sommeil sans rêve, grâce au ciel !
Sauf la quatrième nuit… où il s’était immiscé dans l’un de mes songes.
Il ne s’y était pas passé grand-chose.
Nous nous disputions…
La fin en revanche était encore moins plaisante puisqu’il avait menacé de me mordre si je ne reconnaissais pas que les vampires pouvaient être bons et que je ne promettais pas d’arrêter de les chasser.
J’avais refusé et m’étais réveillée.
Depuis plus rien et je n’allais certainement pas m’en plaindre !

Donc comme je le disais j’étais presque toujours au snack bar…
Et ce n’était certainement pas dans l’espoir de le voir reparaître, n’allez pas vous imaginez des choses !
C’était uniquement pour pouvoir retrouver un semblant de banalité.
Tant que j’étais occupée mes pensées restaient sous contrôle et je n’avais pas besoin de faire mine d’être réjouie alors que je n’avais qu’une envie : m’isoler.
Alors bien sûr, être serveuse n’était pas particulièrement palpitant et les clients ne se pressaient pas à la porte non plus mais… c’était déjà ça.
Au point où j’en étais je n’allais pas faire la difficile !

J’avais vu les jours défiler avec une lenteur maladive et bientôt le vendredi arriva.
Une semaine depuis ma visite au « Vamp Hyre »… et près de cinq jours que je n’avais pas revu le vampire au regard métallique…
Vu la vitesse à laquelle le temps passait j’avais plutôt l’impression que cela faisait une éternité…

Cette nuit là, je ne pus pas m’empêcher de me demander si il y était et ce qu’il y faisait.
Matt et Gunner avait affirmé qu’il y était chaque soir de fin de semaine, aussi ne pus-je m’empêcher de songer à lui.
Je veux dire, d’ordinaire j’étais bien incapable de savoir où il était et ce qu’il faisait, aussi me semblait-il moins tangible comme… vaporeux et insaisissable…
Un simple souvenir, en somme…
Mais pas cette fois… cette fois je pouvais presque le voir assis noblement sur sa chaise avec sa veste en cuire, son pantalon en cuir et son tee-shirt blanc déchirés…

Ça me faisait enrager… de ne pas pouvoir le sortir de ma tête aussi « facilement » que je l’avais sortie de ma vie…
Evidemment, l’idée de me rendre à Kensington ne me traversa pas l’esprit.
Je ne regrettais pas mon choix et en connaissait la nécessité et la justesse.
De l’éloigner, je veux dire…
Même si… il en coûtait à une part de moi, j’étais persuadée d’avoir fait ce qu’il fallait.

Le côtoyer était trop risqué et nuisible… pour tous les deux !
Je ne devais surtout plus l’approcher et qu’il ne débarque plus inopinément comme il l’avait fais au bar était une bonne chose !
Et si je m’ennuyai mortellement ça n’avait rien à voir avec lui !
D’ailleurs même si ça avait eu un rapport, je m’en moquais.
J’avais la ferme intention de m’en tenir à ma décision et de me cantonner à ma petite vie de serveuse !
Je n’avais pas besoin de cette… cette « tornade » à mes côtés !
Il fallait simplement donner du temps au temps.
Bientôt, je ne penserai plus du tout à lui !

Et c’était vrai…
Plus les heures défilaient et plus mon esprit se libérait de cette emprise désagréable qu’il avait eue sur moi.
J’allais devenir hors d’atteinte et être complètement soulagée de lui, d’ici peu.
En attendant, il me suffisait de résister à ses assauts répétés dans ma tête.
Je ne m’en sortais plus si mal d’ailleurs.
Je remerciais d’ailleurs le patron pour ça, lui qui me surchargeait de travail !

En effet, halloween approchait et il tenait à ce que tout soit parfait pour rameuter un maximum de client.
Il nous avait fait coller des affiches un peu partout pour parler de la fête et des différents services offerts spécialement pour l’occasion.
La livraison par exemple…
Et devinez qui allait s’y coller ?
Moi, bien sûr.
Je m’étais gentiment proposé… là encore dans l’optique de me concentrer sur une seule et même chose.

Nous nous préparions donc pour cette fête ridicule.
Je n’avais jamais été particulièrement branchée par cette célébration mais bon… on n’y échappait pas et tous les ans c’était la même rengaine.
Se déguiser aux grands-méchants monstres… non franchement, ça n’avait rien de génial.

Je me rappelais encore quand je me déguisais petite… en vampire le plus souvent.
Plutôt comique, non ?
Il faut dire que Garret et Matt n’arrêtaient pas d’en parler donc j’étais plus ou moins fascinée à l’époque… puisqu’il ne s’agissait que d’un conte.
Quand j’avais compris qu’il n’en était rien j’avais été passablement refroidie !
Ça et le fait que mon père adoptif m’avait sérieusement disputé la dernière fois que je l’avais fais…
J’avais quoi… ? … Huit ans, par là…
En tout cas, ça m’avait coupé mes ardeurs.

Tout ça pour dire que les journées défilèrent sans que rien ne vienne troubler ma « quiétude » relative.
Ah si !
Il y eut bien quelque chose… de particulièrement notable d’ailleurs.
Lundi soir, alors que je rentrais chez moi, j’avais bousculé quelqu’un, trop perdue dans mes pensées pour faire attention à la route.
J’avais grommelé une excuse sans vraiment regarder le malheureux passant… sauf que quand j’avais voulu le contourner pour poursuivre ma route l’inconnu m’avait agrippé le bras, m’arrachant une exclamation de surprise.
Je n’eu pas le temps de relever les yeux sur son visage qu’une vision s’était imposé à mon esprit.

La forêt… un endroit qui me parut vaguement familier…
Un homme que j’avais déjà vu au bar des vampires… celui qui m’avait fais froid dans le dos et était assis près de Luca.
Et… soudain… Luca ?!
Que ?!
Il venait de débarquer à toute vitesse faisant fasse à l’étranger, l’air mauvais et presque menaçant…
Identique à lui-même… toujours aussi séduisant qu’impressionnant…
Il s’apprêtait à dire quelque chose lorsque je fis mon retour à la réalité.

Perplexe et un peu secouée par la brutalité de ma vision, j’avais posé les yeux sur le « passant » qui me fixait, insondable mais presque… moqueur ?
Un passant qui n’en était pas…
Un vampire…
Décidemment, ça devenait une habitude de se faire agripper par ces créatures !
Je tentai de le faire lâcher prise et là… je faillis perdre l’équilibre…
Il avait disparu…

J’étais donc rentrée chez moi, chamboulée et inquiète me demandant ce que ce monstre avait bien pu me vouloir et pourquoi il m’avait relâché sans me dire un mot…
Peut-être m’avait-il reconnu, peut-être s’était-il souvenu de mon attaque…
Mais ça n’expliquait rien du tout…
Et surtout… pourquoi Luca ?!
Pourquoi comme par hasard était-il revenu me hanter alors que j’avais bon espoir de m’en débarrasser à jamais ?!
Que faisait-il dans ma vision ?! Ou plutôt que faisait-il avec ce type ?!

Quoi qu’il en soit, ça devenait gênant…
Je n’étais pas assez fermée !
Déjà trois visions en un peu plus d’une semaine alors que je n’en avais pas eu une depuis des mois !
Je devais y remédier et vite !
Barricader mon esprit avant que ça ne se reproduise !

Heureusement, cet incident resta isolé puisqu’après ça je ne revis aucun vampire.
Pas l’ombre d’un, non Monsieur !
Il faut dire que j’en avais assez vu pour un bon bout de temps là !
Entre Luca et sa visite au « Campfield Palace », sa connaissance au détour d’une ruelle et celui que j’avais tué le samedi soir…
Oui, c’était amplement suffisant !

Donc… le jour d’halloween arriva sans que rien ne soit venu rompre ma monotonie.
Ce matin là, en me levant, je fus surprise de trouver Garret dans son fauteuil roulant en train de… cuisiner ?
Oh mon Dieu !
Ce n’était jamais bon signe… et jamais bon pour nos estomac surtout…


« - Salut Garret. » Lâchais-je, interloquée.
« - Papa. » Me corrigea-t-il dans un automatisme sans me regarder.
« - … Papa. » Corrigeais-je distraitement.


Je ne comprenais pas pourquoi il insistait pour que je l’appelle ainsi… mais c’était un peu compliqué pour moi.
Même avant de savoir que j’avais adopté, dans ma tête, je l’appelais déjà par son prénom, notre manque de proximité ne jouant pas en sa faveur.
Et j’avais tendance à oublier qu’il tenait à ce que je l’appelle papa, parlant avant de réfléchir vraiment.

Je le fixais quelques instants étonnée de le trouver dans cette pièce lui qui ne quittait que rarement sa chambre hormis pour les repas familiaux ou pour ses recherches quotidiennes.


« - Qu’est-ce que tu fais ? » M’enquis-je gentiment.
« - Ça ne se voit pas ? » Répliqua-t-il d’un ton presque agacé.
« - … Si. » Soupirais-je peu encline à me lancer là-dedans.


Comme souvent, nos conversations se cantonnaient au strict minimum.
Je m’empressais donc de me servir mon petit déjeuner dans un silence profond avant de m’asseoir à table, face à lui.


« - Tu seras à la maison, ce soir ? »
« - … Heu… Non, désolée, je dois m’occuper des liv… »
« - D’accord. » Me coupa-t-il tranquillement sans paraître remarquer qu’il m’avait interrompu.
« - … Pourquoi ? »
« - Comme ça… Je voulais savoir si je pouvais compter sur votre présence, à toi et à Matt. »« - … Oh… et bien… désolée. »


Je n’étais pas désolée.
Sans doute avait-il pensé à faire un de ces repas où personne ne parlait et où il régnait une tension étouffante…
Le genre de dîner que j’évitais au maximum, en d’autres termes.


« - Mais je ne pense pas que Matt aura prévu quelque chose… » Tentais-je malgré tout pour le réconforter.
« - D’accord. »


Je me relevai un peu mal à l’aise, m’apprêtant à quitter la cuisine.


« - J’y vais… papa… » L’informais, vaguement gênée, en souriant.
« - Oui. Bonne journée, Kailey. » Conclut-il… étrangement solennel.


Je fis quelque pas dans le couloir avant de m’immobiliser et de secouer la tête avec irritation, faisant demi-tour pour me planter dans l’encadrement de la porte.


« - Dis… est-ce que tout va bien ? »
« - … Pas moins bien que d’habitude. Pourquoi ? » Répliqua-t-il sans s’en émouvoir.
« - … Comme ça… Bonne journée. »


Sans attendre, je repartis, regrettant cet élan de je-ne-sais-quoi.
Je… je l’aimais bien ce vieux bougre et… il me faisait de la peine pour tout vous dire.
Même si je n’approuvais pas tout ce qu’il faisait et avait fais, même si je lui en voulais de « pourrir » mon frère, je… il restait malgré tout ce que j’avais de plus proche d’un père…

Chassant ces pensées, je m’empressais de me préparer et ne tardai pas à rejoindre Chris et Ashley au snack bar.
Je les saluais un peu ailleurs, venant m’asseoir à côté du jeune homme et en face de mon amie…

Elle m’énervait ces jours-ci… particulièrement depuis deux jours !
Elle gloussait sans raison en me jetant des regards de coin et j’avais du mal à le supporter et à conserver mon calme.
M’était avis qu’elle savait quelque chose que j’ignorais…
Donc je l’évitais.

C’est vrai, quoi !
Quand elle ne m’assommait pas de questions sur Luca tout en faisant des allusions étranges elle jouait la mystérieuse et… ça me pompait l’air !
J’avais besoin de me sortir le vampire de l’esprit et elle, elle s’acharnait à l’amener sur le tapis chaque fois que nous discutions !
Alors oui, moins je parlais avec elle et mieux je me portais en ce moment.

Chris au moins avait compris tout de suite que je ne voulais pas en parler.
Il était venu me trouver dans les vestiaires en disant qu’il avait à me parler du « client de l’autre fois ».
Je l’avais coupé net et il m’avait dit que c’était important.
Toutefois, j’avais refusé de l’écouter et il n’avait plus insisté… même s’il avait eu l’air triste et ennuyé.

Tout ça pour dire que le patron n’avait pas tardé à venir nous parler.
Il nous demanda expressément de porter un costume « pour marquer le coup » pour reprendre ses dires.
Bon grès mal grès on accepta.
Ce soir, le service, livraisons y compris, se feraient en costumes !
Génial… je m’en faisais une joie à l’avance…

Ironie mise à part, la journée se passa… aussi rébarbative que les précédentes.
Seul Gunner parvint à me faire sourire sincèrement avec une blague de son cru.
Matt en revanche restait renfrogné au possible…
Je lui aurais mis des tapes si je m’étais écoutée !

Heureusement, l’heure de commencer mon service arrive bientôt ce qui mit un terme à ma lassitude croissante.
Avant de quitter la maison, je jetais un dernier regard au miroir qui trônait dans la salle de bain.
Mon déguisement de magicienne était un peu osé mais c’était le patron qui l’avait commandé.
Il avait eu l’air de tenir à ce que ses livreuses, Ashley, Rosa et moi, en somme, soyons ainsi habillées…

Honnêtement, j’étais un peu mal à l’aise, notamment à cause du décolleté que j’arborai mais à part ça je devais admettre que c’était joli.
Noir et blanc… pas très chaud ce qui n’était pas trop gênant au vu des températures qui régnaient toujours ici.
Pour contraster, j’avais mis un rouge à lèvre assez vif et n’avais pas lésiné sur le maquillage.
Halloween oblige…
Mon petit chapeau jonché au sommet de mon crâne… et voilà j’étais parée à faire la tournée de Campfield…

D’un pas vif, j’avais donc fais mon entrée… remarquée au « Campfield Palace ».
A peine y avais-je mis un pied que Chris me dévorait des yeux… de quoi me mettre mal à l’aise.
Pour sa part, il me donnait envie d’exploser de rire… et il fallait déjà le faire en ce moment !
Un chapeau haut de forme, une longue cape noire dont l’intérieur était rouge, l’air un peu idiot avec de fausses moustaches…
De toute évidence, il était le Grand Magicien de l’assemblée… même s’il paraissait atrocement fluet ainsi vêtu et plus jeune que jamais.

Ashley elle se tenait raide comme un piquet, visiblement peu désireuse de s’exhiber de la sorte.
Ces deux là étaient si… mignons…
Ils étaient vraiment… innocemment puérils.
Pour sûr, ils n’avaient jamais eu à porter une robe en cuir ultra moulante pour s’incruster chez les vampires !
Le ciel les en préserve…

Rosa en revanche se pavanait l’air supérieur.
Je n’avais jamais pu la voir cette fille…
Une rouquine, en plus…
Et avec un caractère particulièrement insupportable de sale enfant gâtée.

Jack Taylor se dépêcha de venir me rejoindre me complimentant sur « mon éclat ».
Embarrassée, je changeais aussitôt de sujet lui demandant pour quand était prévu la première livraison.


« - Pour… maintenant, en fait. Dans cinq minutes chez les Garnight. »
« - Pas de problème. » Répondis-je du tact au tact en souriant.
« - Non c’est Rosa qui va y aller. Tu as entendu, Rosa ? »
« - Pourquoi ?! » S’exclama-t-on en chœur toutes les deux.


Elle n’avait de toute évidence pas envie d’y aller… contrairement à moi qui aspirait à de l’animation quitte à aller chez ce vieux couple de rabat-joies.

« - Parce que je le demande et que je suis le patron. » Trancha l’homme d’un ton sans réplique.
« - … D’accord… » Cracha-t-elle, hautaine avant d’agripper le paquet que lui tendais notre employeur.


Sans attendre, elle partie pestant entre ses dents ce qui suffit à me faire oublier ma déception de ne pas y aller moi-même.
La voir frustrée valait bien un peu d’ennui supplémentaire !


« - Toi, chérie, tu vas plutôt livrer celui-là. » Reprit le patron après avoir haussé les épaules et soupiré d’un air désespéré en observant le départ de la serveuse.


Je reportai mon attention sur lui, un peu étonnée.


« - Ah… heu… d’accord. » Acceptais-je tandis que de l’autre côté je voyais Ashley tout sourire soudain.


Apparemment le ciel ne m’avait pas oublié.
Il faisait d’une pierre deux coups.
Il me donnait une activité et me séparait de mon amie qui me tapait dangereusement sur le système avec ses cachoteries.

Je saisis donc délicatement la petite boîte blanche avant de m’éloigner non sans un signe de la main à l’attention générale.


« - Bonne soirée, Kailey ! » M’interpella la blondinette sans que je ne m’arrête pour lui répondre lui offrant juste un sourire un peu crispé.


Lorsque je fus dehors, je m’emparai de la petite étiquette blanche où était inscrit une adresse mais pas de nom.
Etrange… d’autant que l’adresse ne me disait rien.
Je connaissais la rue par contre ce qui m’éviterait de tourner pendant des heures à causes du peu d’informations qu’avait daigné me donner le patron.

Sans attendre, je me mis en route.
Il faisait bon, ni trop chaud, ni trop froid… et je me sentais relativement bien.
Du moins jusqu’à ce que mes pensées vagabondantes me ramènent à Luca, là brutalement, je me sentis nettement moins sereine.
Quelle idée de repenser à lui maintenant alors que j’étais parvenue à le tenir éloignée toute la journée !

Irritée par ma faiblesse d’esprit, je continuai d’avancer vers la sortie du village les sens en éveil.
Oui, parce que je ne tenais pas à faire une rencontre comme celle que j’avais faite trois nuits plus tôt et me laisser attraper aussi bêtement !
Moi qui m’étais toujours cru en sécurité à Campfield, imaginant que ce village avait été miraculeusement épargné par le fléau que représentaient les suceurs de sang, je commençais à en douter…

Il ne me fallut pas plus de dix minutes pour arriver dans la rue indiquée sur la petite carte.
Et là… comme je m’en doutais il n’y avait pas des masses d’habitations en fait…
Enfin si, il y avait bien ce… ce grand manoir… mais on le disait abandonné depuis des années.
Quand je dis des années, c’est vraiment des années !

Je me rappelais aisément toutes les histoires que me racontait Matt à son sujet quand nous étions gamins.
Il s’amusait à me faire peur en prétendant qu’il était hanté et que la nuit des cris affreux s’élevait dans les ténèbres…
Il y avait même une rumeur genre dame blanche qui avait couru à une époque…
Evidemment, c’était ridicule, des histoires frissonnantes inventées de toute pièce !

…
… …
… … …
Je n’avais pas peur, qu’allez-vous vous imaginer encore ?!
Attendez, je chassais les vampires alors quelques fantômes n’allaient pas suffire à m’effrayer ni à me faire rebrousser chemin !
D’autant que c’était des conneries tout ça…
Pas de quoi s’angoisser, hein !

C’était juste une grande maison comme les autres qui était plus reculée du village que les autres !
Ce qui lui avait valut cette réputation…
Il fallait une maison hantée pour chaque village après tout…
Donc ça n’allait certainement pas me faire hésiter !

En outre, s’il y avait un nouvel habitant c’était une bonne chose !
Peut-être que les enfants se tairaient et cesseraient leurs histoires à dormir debout…
Pour ma part, j’allais gentiment lui apporter sa commande et lui souhaiter la bienvenue !
… Allez Kailey !
En avant, ma grande !

Je fis un pas en avant, un peu hésitante malgré ce que je me répétais.
Puis un second et un troisième…
Bientôt je fus devant la porte et levai fébrilement la main vers la sonnette ne la pressant pas immédiatement cependant.
Je pris une profonde inspiration, me morigénant fasse à tant d’infantilité et là seulement appuyai avec assurance sur le bouton.

…
… …
… … …

L’attente me parut interminable même si je savais bien que ce n’était qu’un effet de mon imagination.
Qu’est-ce qui clochait chez moi ?!
Aucun monstre n’allait surgir par cette porte enfin !
Juste quelqu’un qui devait attendre impatiemment son gâteau… pas de quoi fouette un chat quoi…

Enfin, la porte s’ouvrit… affreusement lentement à mon goût… pour laisser apparaître…
Un vampire…
Luca…
Luca ?!
Mais qu’est-ce qu’il fichait là bordel ?!

Je… je ne comprenais plus rien.
Restant bêtement là, mon paquet dans les mains, devant moi… je dévisageais, ébahie, l’être qui venait de surgir contre toute attente faisant mourir lentement mon sourire commercial.
Comment se faisait-il que… ?
Est-ce que… est-ce qu’il vivait là ?
Est-ce que je m’étais trompée d’adresse ?
Un… un traquenard ?

Je…
J’étais perdue.
Le voir apparaître de façon si abrupte me prenait au dépourvue et je… je n’étais pas préparée à une nouvelle confrontation !
J’avais pensée être débarrassée de… de lui mais brutalement il revenait dans ma vie et qu’il l’ait fais exprès ou non je… je ne pouvais pas nier à quel point cela me troublait.

Qu’est-ce que j’étais censée faire ? Qu’est-ce que j’étais censée dire ?
Je l’ignorais…
Une fois de plus, mon cerveau tournait au ralentit !
Contrairement à mon cœur dont le rythme s’était légèrement accéléré.

Honnêtement, j’avais l’impression de rêver… ou de cauchemarder, difficile à dire pour l’instant.
Je venais à peine de me faire à l’idée de ne plus jamais le revoir et… il était là à présent me fixant l’air presque aussi incrédule que moi, comme s’il ne s’était pas attendu à tomber sur moi.
La bouche légèrement entrouverte, le regard braqué sur moi…
Il était… de nouveau, il paraissait atrocement humain…

Je… je crois qu’une part de moi était… soulagée de voir qu’il allait bien…
Qu’il était vivant…
Bah oui, immortel ou pas, la dernière fois que je l’avais vu, il était grièvement blessé alors… je m’étais peut-être bien fais un peu de soucis pour lui…
Une part qui était… vaguement contente de le revoir…
Insensé…
Complètement insensé !

Je… c’était un sacré choc, je le reconnais.
Je m’étais attendu à tout sauf ça… à tout sauf lui…
Toutefois, il était vraiment là… torse nu soit dit en passant…
Un constat sur lequel je préférais ne pas m’arrêter.

Le vampire plongea alors son regard dans le mien, ce qui ne fut pas pour me faciliter les choses et m’offrit ensuite un sourire amusé auquel j’aurais été incapable de répondre trop stupéfaire encore pour réagir.


« - Joli costume Magicienne… mais je crois que vous avez fait disparaître une partie de votre tenue… » Plaisanta-t-il alors, fixant sans pudeur mon décolleté, la bouche grande ouverte.


Il ponctua sa bêtise d’un clin d’œil taquin face auquel je restais interdite.
Je baissai légèrement la tête désireuse de constater l’étendue des dégâts avant de déglutir péniblement.
Dans le genre embarrassant, ça l’était !
Pourtant Chris m’avait regardé lui aussi mais… là ça me paraissait sensiblement différent…

Raah !
Maudit soit le patron pour nous avoir forcé à porter une telle tenue et pour m’avoir en prime envoyé tout droit dans la gueule du loup !
Et maudit soit Luca pour… pour tout !
Pour cette réflexion déplacée et pour son expression exagérée pour commencer !
Et maudis sois-je pour oser me présenter comme ça devant lui !
Et maudit aussi soit cette fête débile d’halloween !
Comme vous le voyez, j’en maudissais des trucs à cet instant…

Pour un peu, j’en aurais rougis.
Je… j’aurais voulu me faire toute petite et disparaître, me cacher de ses yeux inquisiteurs et trop rieurs…
J’étais profondément gênée brutalement.
Comme une petite fille…

Il plaça alors ses mains sur ses hanches s’affichant comme l’eut fais un top modèle… qui, entre nous, avaient tout à lui envier… mais gardez-vous bien d’aller le lui répéter hein !
Il a suffisamment la grosse tête comme ça ! ( )
Donc disons qu’il… qu’il m’incitait presque à le regarder… ce que je me gardais bien de faire jusqu’ici mais là…
J’avoue avoir discrètement laissé mon regard glisser sur lui très rapidement.

Je vous avais dis que je n’étais pas pudique, vous vous souvenez ?
Et bien ce spectacle m’aurait presque fais revenir sur mes mots.
Je me sentais… intimidée…
Pff ! J’étais ridicule avec ce vampire, moi !

C’était de sa faute de toute façon !
Il était énervant aussi !
Grr !

« - Qu’est-ce que tu penses du mien… ? » S’enquit-il tranquillement.


Du sien ?
De quoi me parlait-il ?
Je fronçai imperceptiblement les sourcils, ne comprenant pas immédiatement.


« - … Je l’ai appelé… vampire torse nu. »


Joli…
Pas le costume hein !
Je parle de la blague…
Elle était jolie !

Il n’avait pas perdu sons sens de l’humour, au moins…
Ce qui n’arrangeait pas mes affaires puisque je du m’efforcer de ne pas sourire en entendant ça.
Vampire torse nu, hein… ?
Il ne s’était pas cassé la tête là-dessus…
Simple mais efficace, comme on dit.
Mais étant l’une des créatures que nous caricaturions lors de cette parade idiote, je suppose qu’il n’avait pas besoin d’artifices…

Et physiquement, il n’en avait pas besoin croyez-moi…
…
Je parle de sa pâleur !
Il n’avait pas besoin de maquillage, voilà ce que je voulais dire !
Rien d’autre !
Non mais… !

Bref.
Pour ma part, j’hésitais quant à la conduite à adopter.
Est-ce que je devais répondre quelque chose et prendre le risque d’entamer une conversation ou partir sans attendre ?
Je n’eu toutefois pas le temps de méditer plus en avant sur ce dilemme que l’immortel s’empara vivement du paquet que je tenais toujours, indécise.

Un peu surprise face à la brutalité j’écarquillais brièvement les yeux.
Pas la peine de me le prendre des mains comme ça, enfin !
Je n’allais pas le lui voler !
Et je ne comptais pas le lui manger son gâteau !
Quoi que de toute manière, il n’allait certainement pas le déguster lui-même…
Mais bon… ce n’était pas une raison de me l’arracher de la sorte !

Il retourna alors la boîte et l’ouvris face à moi, apparemment désireux que j’assiste au déballage de la pâtisserie.
Plongée en pleine incompréhension, je portais donc le regard sur celle-ci et découvrit… un… bah en fait je n’avais aucune idée de ce que ça pouvait être mais… ça devait être bien en tout cas !
Mais pourquoi me montrait-il ça… alors là… mystère et boule de gum…
Par contre, ça n’eu pas l’air de le réjouir puisque sa mine passe de presque victorieuse à déconfite.
Que lui arrivait-il encore ?
Je ne comprenais décidemment rien à ce vampire !


« - Ah… désolé, c’était sensé être une hache… et là, j’allais te proposer d’enterrer la hache de guerre… mais ce dessin me fait plutôt penser à… une poule… » Avoua-t-il, l’air un peu déçu.


C’était… je trouvais ça mignon et… touchant…
Et je n’avais pas vraiment la force de lutter contre ce sentiment…
Je retins malgré tout un sourire mi-attendri, mi-amusé.

Qu’avait-il dit… une poule ?
Hum… c’est vrai qu’il s’y connaissait, lui…
Une idée qui me donna sincèrement envie de rire.
Mais… non, même en regardant bien, pour moi ça ne ressemblait à rien de connu.
Même si une poule était encore le truc qui pouvait le plus s’apparenter à cette… chose…
Enfin, je manquais peut-être d’imagination pour le coup…

C’était vraiment une hache ?
M’était avis que c’était une œuvre d’Ashley et de son talent tout à fait abstrait…
Heureusement, en général ça avait meilleur goût qu’allure…
Quoi que ça devait lui faire une belle jambe à lui…

Par contre… enterrer la hache de guerre ?
Je… la façon dont c’était demandé était tout à fait charmante selon moi mais… je…
De toute manière, je doutais que nous soyons un jour capables de nous entendre…
Mais c’était une belle tentative… l’idée du gâteau et tout ça… ça aurait été une surprise très sympa…
Du moins… si les circonstances n’avaient pas été celles-ci…

Et puis… j’allais tuer ma meilleure amie !
Je comprenais mieux ses éclats de rires soudain !
Grr !
Le patron aussi devait être dans la confidence…
Ah ! C’était un coup monté de toute pièce !
Luca, Ashley et Jack…
Que des manipulateurs ceux-là alors !

Mais je… j’aurais voulu en vouloir au vampire mais… c’était la première fois qu’on faisait ce genre de truc pour moi…
Je veux dire… de toute évidence, il avait fais un effort même si je ne comprenais pas pourquoi.
Il avait commandé ce gâteau et s’était arrangé pour me faire venir…
Je… bien sûr, on m’avait embobiné et tout ça et c’était à mes dépends mais… j’appréciais le geste.

Néanmoins, j’aurais préféré qu’il n’en fasse rien.
Déjà parce que je ne le méritais pas et ensuite parce que… ça ne faisais que rendre les choses plus compliquées.
Pourquoi… pourquoi avait-il fais quelque chose comme ça ?!
Je… je ne comprenais pas ces motivations…
Et ça me troublait… et comme tout ce qui me troublait, ça m’énervait…

C’est alors que je le vis porter à la main à son ventre, une expression légère de douleur venant prendre place sur ses traits…
Que… que lui arrivait-il ?
Inquiète, il ne me fallut qu’un bref instant pour comprendre que ses doigts étaient placés exactement à l’endroit où il s’était pris le pieu plus d’une semaine auparavant…

Mais je…
N’était-il pas censé être guéri ?!
Les vampires étaient capable de se régénérer très vite alors… alors quoi ?
Est-ce que ce n’était qu’un mythe ?
Je n’étais pas certaine de bien saisir mais… je n’aimais pas l’idée qu’il puisse encore souffrir… ni que ce soit indirectement de ma faute et plus directement de celle de mon frère.
Je me retins donc tant bien que mal de faire un pas vers lui, me gardant d’afficher ma compassion et mon angoisse.


« - Je me suis dit que le jour d’Halloween, tu accepterais peut-être une soirée avec un vampire… » Souffla-t-il presque… timidement ?


…
… …
… … …

Ça ne m’enchantait pas mais… même à Halloween, nous restions des ennemis et… rien n’avait changé.
Il était toujours vampire et moi humaine, chasseuse qui plus est.
En outre, nos « soirées » ne nous avait pas particulièrement réussis, du moins pas à moi.
Et je n’étais pas certaine de vouloir retenter l’expérience, d’être prête à remettre ça.
Il risquait encore de me… de me toucher et ça je… je m’y refusais fermement !

Je… pourquoi est-ce que ça me faisait mal au cœur ?!
Tout ça… tout était si soudain !
Je… il… !
Il ne devait pas faire ça !
Et il le savait en plus !
Je… je lui avais dis, je lui avais fais comprendre non ?!
J’avais été on ne peut plus explicite !
Je… je ne voyais que le vampire en lui… n’était-ce pas ce qu’il avait dis ?!

Bien sûr, je ne l’avais pas détrompé puisque ça allait dans mon sens et qu’il fallait qu’il le croit.
Pourtant c’était faux.
Si ça avait été vrai, tout aurait été plus simple et j’aurais été capable de le tuer sans scrupules.
C’était justement l’inverse, en vérité.
Je ne voyais pas que le vampire en lui et c’était ce qui était si problématique.
Mais il ne devait pas le savoir !
Quoi qu’il arrive, il… il devait me voir comme… comme une ennemie !
Il devait me détester comme je m’attelai à le faire pour lui !

Je pensais que ça avait fonctionné.
Idiotement, j’avais cru que c’était terminé.
Que je n’aurais plus à me battre contre lui.
Parce que, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, ça ne me réjouissait pas.
Je… malgré moi… oh oui tellement malgré moi… il avait une certaine importance.
Et je m’attelai à la lui faire perdre définitivement….
Sauf qu’il ne m’aidait pas du tout, là !


« - Le patron est déjà d’accord si tu veux rester… » M’apprit-il alors.


Ah ben merci, boss !
Il m’enlevait la seule excuse valable que j’avais pour refuser…
Du moins valable à ses yeux.
Quoi que je dise d’autre il allait encore croire que je fuyais…
Et il aurait raison, certes… mais bon, ça ne faisait pas plaisir qu’il le sache !


« - … alors… me ferez-vous l’honneur, oh Grande Magicienne ? » Me demanda-t-il avant de mettre un genou à terre.


Que… ?
Il fit alors une révérence abusive qui me donna envie de sourire…
Je… je ne savais pas quoi répondre à ça !
Je…
C’était…
Raah ! Je détestais ça !
Me sentir comme ça… vulnérable et au pied du mur…

Incapable de soutenir son regard, je baissais la tête tout en poussant un soupir léger qui s’acheva en un sourire discret, un tantinet embarrassé.


« - Arrête, c’est ridicule… Relève-toi… » Fis-je un peu plus gênée que je ne l’aurais voulu.


J’aurais voulu dire ça d’un ton sévère et réprobateur mais… ce ne fut pas tellement le cas…
Tant pis…
Je reportais donc mon regard sur lui, prenant mon courage à demain pour planter mes prunelles dans les siennes.


« - Tu va te faire mal en plus… » Poursuivis-je d’un ton de reproche, la mine vaguement contrariée en faisant référence à sa blessure.


…
… …
… … …
En fait, ça m’avait échappé.
Je ne voulais pas dire ça en vérité parce que je ne voulais pas qu’il puisse ne serait-ce que penser que je me faisais du souci pour lui… mais voilà que je jouais la « maman »…
Non mais vraiment !
On aurait tout vu.

Je m’interrompis un instant, avant de me morde nerveusement la lèvre, réfléchissant à comment lui présenter mon refus.
Parce que je… je ne pouvais pas accepter !
Il aurait du le savoir…
Personnellement, j’en avais parfaitement conscience…


« - Je veux dire… j’apprécie tout ça, cette merveilleuse… poule… » Commençais-je toujours septique quand au dessin ce qui s’inscrivit sur mon visage.


Je pris une profonde inspiration avant de reprendre, essayant de rester le plus calme et le plus neutre possible.


« - Et tout le reste mais… tu n’aurais pas du faire ça. » Articulais-je, impassible.


Ciel comme ça me paraissait difficile !
Je devais m’arracher chaque mot !
C’était… éprouvant…
Oh bien sûr, je n’avais jamais été aussi « gentille » avec lui… hormis la fois où je lui avais demandé de se cacher mais… je me sentais assez mal malgré tout.


« - Au risque de te décevoir, halloween ou pas, je ne suis toujours pas capable de te tuer… » Ajoutais-je un peu nerveusement avec un minuscule sourire, un peu triste, en évoquant les derniers propos qu’il m’avait tenu.


Ce que j’espérais ?
Peut-être lui faire se souvenir de sa décision de se tenir éloigné de moi.
Peut-être aussi lui faire comprendre qu’hormis dans ce genre de circonstances nous n’avions pas à nos côtoyer…

Je m’humectai alors les lèvres levant brièvement les yeux au ciel comme pour me permettre de rester concentrer sur « l’objectif ».


« - Je suis désolée mais… je ne peux pas rester. » Conclus-je le plus froidement possible, d’un ton sans réplique, une expression indéchiffrable prenant place sur mes traits.


Une nouvelle fois je baissais la tête presque imperceptiblement, incapable de le regarder dans les yeux plus longtemps.
Si j’étais désolée ?
En partie…
C’était mitigé une fois encore…
Et si je ne pouvais pas rester ?
En partie.
Je ne pouvais pas rester parce que si je le faisais… je redoutais que le même schéma se reproduise et que je perde une fois de plus le contrôle…

Je fis alors volte face, prête à repartir… le cœur plus lourd que je ne l’aurais cru…

Kailey…
Et oui, on en revenait toujours à elle…
Cette fille me faisait un sacré effet…
Et c’était vraiment peu de le dire…
Parce que… elle me faisait beaucoup plus qu’un simple effet…

La preuve ?
Bah je vous rappelle que je buvais du sang de porc, que je n’avais pas attaqué un humain depuis dix jours, et que je ne cessais de penser à elle…
Qui a dit que j’avais une addiction… ?
…
Bon, j’étais peut-être accro…
Mais je ne m’en cachais pas…
J’avais besoin, et envie, d’elle dans mon paysage…
Envie dans les deux sens d’ailleurs…

Mais bref !
Je…
Elle avait continué de me troubler, même si je ne l’avais pas vue pendant un bon moment…
Alors je doutais que ce sentiment soit si simple à faire disparaître…
Peut-être même que c’était impossible…
Et je ne luttais pas contre ça… même si je n’aimais pas ces bouffées de sentiments qu’elle savait insuffler en moi…

Je m’en accommodais on va dire…
De toute manière, je ne pouvais pas vraiment faire autrement…
C’était ça ou… ou rien en fait…
Ça ou mourir peut-être…
Du coup, si je pouvais éviter… ce ne serait pas plus mal…

Pour l’heure, j’avais monté ce fabuleux coup…
Un piège qui s’était merveilleusement bien refermé sur ma proie…
Celle-ci n’avait rien vu venir, et se retrouvait à ma merci maintenant…
Pour être surprise, elle l’était, je l’avais remarqué tout de suite !
Et c’était tant mieux, puisque c’en était une… de surprise…

Du coup, je n’étais pas tombé à côté de l’effet voulu, et ça se déroulait exactement comme je l’avais espéré…
Même si j’aurais dû travailler un peu plus mon discours…
Enfin, ce n’était pas tant ma faute que celle de la personne qui avait dessiné cette maudite poule sur le gâteau…
Ce truc avait déstabilisé toute ma tactique…
Du coup, je m’étais un peu perdu dans tout ça…
Mais j’avais tout de même assuré l’essentiel…
Demander à la demoiselle de se joindre à moi pour la soirée…
Ce qui était la seule chose véritablement importante dans tout ça…
Le truc avec le gâteau et tout, c’était bien sympa, mais mon but final était bien de me retrouver un peu seul avec Kailey… comme ça n’avait plus été le cas depuis dix jours maintenant… ou dix nuit pour être plus exact…

Et enfin, nous y arrivions…
Elle… et moi… enfin seuls, pour partager une soirée…
Bon, on l’avait déjà fait hein, mais juste pour se friter en général…
Donc pour une fois, j’espérais que ça se passe autrement…
Et… les « sentiments » qui me tiraillaient m’y poussaient peut-être légèrement…

Je…
Je ne voulais pas qu’on se batte pour une fois…
Oh, pas que d’habitude j’adore ça hein…
Mais…
Là, en particulier, je voulais essayer de… faire les choses différemment…
Disons que je ne voulais surtout pas la voir fuir encore une fois…

Mais est-ce que ça ne faisait pas partie intégrante de notre relation… ?
…
J’veux dire…
Est-ce que l’on aimait pas ça aussi dans notre relation avec l’autre…
Le fait qu’il nous résiste…
Que l’on soit ennemis…
Et que l’on finisse toujours par se repousser…

…
Pas certain…
Franchement, j’aurais préféré qu’elle se montre un peu plus docile…
A choisir, un peu de soumission de temps en temps, ça faisait pas de mal…
Mais elle était pas de ce genre malheureusement…
Ou heureusement, je n’étais pas encore tout à fait fixé…

Oui, mes pensées restaient toujours aussi floues vis-à-vis d’elle…
Une fois je la détestais, une fois non…
Mais quoiqu’il en soit, je restais totalement accro à elle…
Que je l’aime ou la déteste, je voulais qu’elle soit là…
Même si c’était pour se bagarrer avec elle en continu…

…
Oh, je ne me l’explique pas, c’est vrai…
Mais disons qu’elle avait pris une place de cette importance… sans que je ne réalise vraiment pourquoi…
Mais désormais, c’était ainsi… et ça ne changerait pas si facilement…

Donc, pour le moment, on était toujours sur le pas de la porte…
Oui, elle allait se décider à entrer ou quoi… ?!
…
Pour l’inciter, je m’étais donc décidé à l’inviter en bonne et due forme…
Avec la révérence et tout le tralala…
Dans le genre gentleman, c’était franchement pas mal ça…
Mais j’attendais toujours sa réponse…
Qu’allait-elle dire, qu’allait-elle faire… ?


« - Arrête, c’est ridicule… Relève-toi… » Lâcha-t-elle, gênée.


…
… …
… … …

Elle…
Elle était embarrassée ?
Je…
Je rêvais… elle était embarrassée ?!
C’était… presque mignon…

Et pour une fois, elle ne montrait pas que son aversion à mon égard…
Elle faisait enfin preuve de quelque chose d’autre…
Quelque chose de beaucoup plus doux et charmant…
C’était d’ailleurs très charmant, ce petit air gêné…
Moi je craquais…

Mais comme elle l’avait demandé, je me relevais…
Après tout, je savais obéir parfois…
Enfin, quand ce n’était pas très important bien sûr !
J’acceptais donc son offre, et me levais lentement, reprenant place face à elle…
Kailey planta ses prunelles dans les miennes, ne me laissant pas le temps de riposter.


« - Tu va te faire mal en plus… » Ajouta-t-elle, presque inquiète.


…
… …
… … …

Je rêvais là…
Elle…
Est-ce que c’était bien Kailey… ?
Est-ce que c’était la même personne que les autres fois ?
Euh… j’y croyais moyennement…

Elle…
Elle me reprochait d’en faire trop…
La jeune fille prétendait même que je risquais de me faire mal… que c’était… pour mon bien…
C’était… rare… qu’on agisse ainsi avec moi…
D’ailleurs, ça n’arrivait même jamais…

Alors…
C’était un minimum touchant…
Et les sentiments qui me secouaient à son égard influençaient carrément mon jugement…
Mais c’était tout de même… assez inattendu…
Franchement, si on m’avait dit ça, je l’aurais invitée plus tôt… avec ou sans gâteau…

La chasseuse se mordit nerveusement la lèvre…
Hmmm…
C’était un peu plus mauvais signe ça…
Deux choses…
Soit ça signifiait qu’elle regrettait son élan de gentillesse, soit qu’elle s’apprêtait à me renvoyer mon invitation dans la gueule…
Et l’idée que ce soit l’une des deux m’énervait…
Mais je trouvais la seconde plus frustrante encore…


« - Je veux dire… j’apprécie tout ça, cette merveilleuse… poule… » Poursuivit-elle, sceptique…


…
… …
… … …

Ha ha !
C’en était hilarant…
Tellement que j’affichais un léger sourire…
Ce maudit dessin avait failli faire rater tout mon plan…
Mais dieu merci, ma classe naturelle avait rattrapé le coup.

Mais…
Une fois encore, je… j’étais assez surpris en fait…
D’habitude, elle s’énervait tout de suite contre moi, même quand je n’avais rien fait, juste parce que j’étais un vampire…
Mais pour une fois… elle me traitait… un peu comme un humain, vous voyez…

Et je ne m’étais pas attendu à une telle réponse…
Elle…
Kailey… elle appréciait… ?
Elle appréciait mon geste… ?
J’en… j’en étais content… et soulagé…
C’est bizarre je sais, mais c’est ce que je ressentais…

Comme quoi, être « gentil » avait du bon…
Oui, je m’efforçais de faire le gentil vampire avec elle… et je tenais une ligne de conduite irréprochable depuis dix jours…
Et visiblement, ça portait ses fruits…
Cette tactique était payante !
C’était… génial…
Bien au-delà de toutes mes espérances…
Moi qui faisais tout ça pour elle, je ne me sentais pas trop misérable pour le coup…

…
… …
… … …

Oui, je l’ai dit.
Je le faisais pour elle.
Pour qui d’autre ?!
Pour qui croyez-vous que je tournerais au sang de porc ?!
Kailey, et personne d’autre…

La demoiselle prit alors une grande inspiration…
Et elle se montra soudain très… froide…
Disons qu’elle redevint neutre et impassible soudain…


« - Et tout le reste mais… tu n’aurais pas du faire ça. » Reprit-elle, impassible.

…
Je…
Je n’aurais pas du faire ça…
Mais pourquoi… ?
Pourquoi ?!

Elle ne comprenait pas ?!
Elle ne comprenait pas ce que je ressentais ?!
Ce n’était pas évident à ses yeux ?!
Elle…
Elle ne ressentait donc rien… ?
Pour… moi… ?


« - Au risque de te décevoir, halloween ou pas, je ne suis toujours pas capable de te tuer… » Poursuivit-elle, avec un sourire triste.


…
… …
… … …

Elle…
Raah !
Je la détestais !
Pourquoi…
Pourquoi ne pensait-elle qu’à ça ?!
Me tuer ?!
C’est donc tout ce qui l’intéressait ?!

Et alors…
Pourquoi… pourquoi me faire ce sourire triste en disant ça… ?!
Après tout, elle ne devait rien ressentir envers moi pour dire ça… alors pourquoi avoir l’air si triste ?!
Grr…
Je…
Je voulais qu’elle arrête ça !

Au plus vite !
Qu’elle fasse cesser ce sourire triste qui m’atteignait beaucoup trop…
Je…
Et pourquoi ça me faisait ça aussi ?!

La chasseuse s’humecta alors les lèvres, avant de lever les yeux au ciel, esquivant mon regard…
Elle…
Elle n’avait pas le droit de me fuir comme ça !
Pourquoi chaque fois qu’elle n’avait pas le dessus, elle se comportait comme ça… ?
La demoiselle se contentait de fuir, d’esquiver…
Incapable d’affronter les problèmes et de les prendre à bras-le-corps…
Je détestais cette part d’elle…


« - Je suis désolée mais… je ne peux pas rester. » Conclut-elle sèchement.


…
… …
… … …

Elle était… désolée…
…
Non…
Non, elle n’en avait pas le droit !
Après tout, c’était elle qui refusait, elle ne pouvait pas se permettre d’être désolée !
…
Surtout qu’elle ne l’était certainement pas…

C’est vrai, elle m’avait toujours détesté… enfin, pas totalement mais…
Elle avait toujours fait en sorte de me le montrer… depuis le premier soir…
Alors ça devait être faux…
Elle, désolée de ne pas rester avec moi… ?
J’en doutais franchement…

Mais donc… elle ne restait pas…
Elle allait donc repartir…
Retourner au Campfield Palace… dans les bras de son Chris chéri…
Tsss…
Et bien qu’elle y aille !
J’en avais assez moi !
A quoi ça servait de toute manière ?!
Tout ça… ça ne rimait à rien…

J’veux dire… faire le gentil et… tout ce merdier…
Finalement, au lieu d’être un peu chamboulée avant de me rabrouer… elle me rabrouait d’entrée…
Ce devait être le problème de Mister Compréhensif tiens…
Avec ce genre de comportement, elle m’échappait tranquille…
Impossible de la garder sous mon emprise même une seconde…

Alors…
Merde…
Merde à cette pseudo-gentillesse…
De toute façon, c’était inutile…
Elle ne me voulait pas comme ça visiblement… et je n’aimais pas faire semblant non plus…

Si j’était tout à fait franc… ?
Je n’avais qu’une envie depuis son arrivée, c’était de me jeter sur elle…
Elle était fabuleusement sexy, et j’avais autant envie de jouer avec ce joli corps que de planter mes crocs dans sa chair…
Mais de toute évidence, elle comptait s’en aller…

La jeune fille baissa la tête, avant de finalement faire volte-face…
Elle…
Non !
Elle n’allait quand même pas partir là-dessus ?!
Juste ça ?!

Désolé, et byebye, je me taille ?!
C’était… c’était super injuste quand même !
Je n’avais même pas pu m’expliquer ni rien…
Pas même de deuxième chance de parler…
Absolument rien…
Elle avait décidé que ça suffisait, et elle partait…
Mais moi qui avais attendu dix jours après elle, j’étais… on ne peut plus frustré là…


« - Je savais bien que ça ne marcherait pas… » Commençais-je alors, un rire nerveux m’échappant.


Evidemment…
…
Mais qu’est-ce que j’avais cru aussi… ?
Qu’avec un gâteau et quelques mots gentils, elle me tomberait dans les bras… ?
On était pas au cinéma, et fallait que j’arrête de rêver…
C’était urgent même…
Mais je ne comptais pas la laisser filer aussi facilement… sans lui avoir dit le fond de ma pensée…

Je fis alors un pas en avant, arrivant dans son dos, à quelques centimètres d’elle…
Je m’y stoppais, retenant un second rire nerveux avant de prendre la parole…


« - Même quand j’essaye de me montrer gentil, tu ne veux pas de moi… » Laissais-je m’échapper, l’air aussi remonté que lointain.


C’était un fait…
J’avais essayé de… d’être un peu plus… comme un humain…
De ressembler un peu à Mister Compréhensif…
Mais ça la faisait fuir encore plus vite que d’habitude !
Dans le genre, c’était un vrai fiasco !

Je…
Je n’aimais pas faire ça…
J’avais… fait des efforts…
Et au final, elle crachait dessus comme si ça ne valait rien…
…

Je détestais sa façon trop obtue de considérer les choses…
J’aurais voulu… je ne sais pas…
Disons… qu’elle me donne une chance…
Une chance de lui prouver que je n’étais pas qu’un affreux monstre…
Mais elle ne voulait rien… rien venant de moi visiblement…
Enfin… tout dépendait de quoi, parfois, elle n’était pas toujours si farouche…


« - Dix jours ! … dix jours que je n’attaque plus les humains et que je me nourris de sang de porc ! … que je garde cette blessure… tout ça pour toi… » Lâchais-je, contenant difficilement ma rage et ma… déception… ?


…
… …
… … …

Je lui en voulais tellement !
Elle provoquait en moi ces maudits sentiments et… son départ me faisait enrager…
Et je m’en voulais aussi pour ça…
Je…
Je savais qu’elle m’atteignait plus que de raison… et que je n’aurais pas du le permettre…
Mais ça ne faisait qu’empirer avec le temps…
Et j’étais trop lâche pour y mettre un terme…

Rageur, en colère, je me rapprochais de Kailey, toujours dos à moi devant l’entrée…
J’en avais tellement fait… pour elle…
Et elle me tournait le dos… ?!
Très bien, si elle ne voulait pas avoir à faire à Mister Gentil, je n’aurais aucun scrupule à lui donner ce qu’elle voulait…


« - A moins que la seule chose qui te plaise, ce soit ça… » Avouais-je, rageur, tandis que ma main venait s’abattre sèchement sur ses fesses.


…
C’était vrai…
Jusqu’à présent, elle avait toujours été plus réactive à nos « relations physiques », donc je n’allais pas la décevoir…
Fini de jouer au gentil, et retour du vrai Luca…
Si c’était ce qu’elle voulait… elle l’aurait, aucun problème là-dessus…

J’attrapais alors le pieu que je déposais toujours dans l’entrée, avant d’agripper la demoiselle par le bras, la plaquant sans ménagement au mur de la maison…
Je lui fis alors face, lui donnant le pieu dans la main, avec un petit sourire presque malsain, tandis que je me rapprochais d’elle…

L’une de mes mains saisit celle de Kailey qui ne tenait pas l’arme en bois, maintenant son poignet captif contre le mur, au-dessus de la tête de la jeune fille.
Je me rapprochais encore, venant lui mordiller l’oreille.


« - Tue-moi si tu n’aimes pas ça… » Lui soufflais-je à l’oreille, en lui léchant celle-ci.


Je m’avançais encore, me retrouvant quasiment collé à elle, tout en continuant jouant avec son oreille…
Je laissais alors ma bouche glisser jusqu’à son cou, que je commençais à mordiller de façon plus que provocante…

Encore une fois, le danger était omniprésent…
Nous étions dehors, contre le mur du manoir, et bien qu’il n’y ait pas grand monde, il y avait un peu plus loin, quelques maisons voisines…
Dans le genre excitant, on était encore plutôt pas mal…
Pour ma part en tout cas, je me laissais enivrer par tout ça, même si c'était surtout ma colère qui parlait…

Je…
Je ne me contrôlais plus vraiment…
J'étais en colère, je lui en voulais…
Et je n'avais même plus de prise sur mes actions…
Allait-elle comprendre ?!
Allait-ellr réaliser ce que je ressentais ?!

…
Reprenant mes esprits, je lâchais prise, le regard légèrement dans le flou, avant de faire un pas en arrière…
Je…
Non, je ne voulais pas faire ça…
La tête baissée, je relevais lentement vers Kailey, un visage à la fois animé et rageur, un peu triste, et très légèrement suppliant…


« - … tue-moi si tu es incapable de m'aimer… » Conclus-je finalement, en m'offrant quasiment à elle.

Je…
J’allais partir…
Une fois de plus, je partais… ou je prenais la fuite pour être plus exacte.
Il avait eu beau me le reprocher la fois précédente, j’étais… j’étais incapable de l’affronter, lui.
A moins que ce ne soit moi que j’étais incapable d’affronter…
Le ressenti de ce moi si incontrôlable quand j’étais avec lui, je veux dire.

J’ignorai ce qui m’effrayait le plus dans cette histoire.
Lui, le dangereux vampire qui aurait pu me tuer en un rien de temps ou cette part d’ombre en moi qui semblait exulter chaque fois que je le voyais…
Dans ces moments là, j’aurais probablement été capable de commettre les pires folies…
Non, je ne pouvais pas permettre à ce « dark passenger » de prendre le dessus !
L’idée m’était insupportable !

J’avais toujours lutté avec un tel acharnement pour le refouler très loin en moi, pour nier jusqu’à son existence mais quand l’immortel était là, je… je n’y arrivais plus.
Le masque glissait et je… je redoutais affreusement le visage qui pouvait se cacher derrière.
Pour moi, il devait s’agir d’un quelconque démon grimaçant qui s’emparerait entièrement de moi à la première occasion et ne me laisserait plus revenir !
Les seules fois où je ressentais le besoin de faire cesser la farce, c’était pendant la chasse où je laissais parfois tomber le déguisement mais… si je le faisais avec Luca… je n’étais plus sûre de pouvoir répondre de moi ensuite.

Parce que… parce qu’« il » était plus fort que moi.
Parce que, quand il voulait sortir, mes efforts pour l’en empêcher ressemblaient à un fétu de paille bravant la tornade…
Futiles, risibles même…
J’avais beau me répéter que j’étais une « gentille fille », une vulgaire serveuse lorsqu’« il » pointait le bout de son nez, la nuit en général, je devenais tout autre chose.
Une chose que je répugnais à être…

Je… j’étais humaine !
Et je ne devais laisser rien ni personne contredire cette certitude !
Toutefois quand j’étais avec le suceur de sang, je… j’avais l’impression d’être quelqu’un d’autre, quelque chose d’autre…
Un monstre peut-être bien…
Comme lui, finalement…

Sauf que… il n’en avait pas l’air… de moins en moins malheureusement.
J’étais perdue avec tout ça.
Le gâteau, la surprise, l’invitation, la révérence… je… j’étais tellement troublée.
Comme je vous le disais, personne n’avait jamais fais ce genre de choses pour moi…
En vérité, ça… ça faisait autant plaisir que ça me faisait enrager.
Il devait bien savoir qu’il n’aurait jamais du se comporter ainsi !

C’est vrai, quoi !
Aussi attendrissant que c’était, je…
En fait, c’était ça le problème !
Il ne devait pas tenter de m’attendrir !
Nous étions ennemis !
En-ne-mis !
Il ne pouvait pas se mettre ça dans le crâne une bonne fois pour toute ?!
Moi, par exemple, je… je ne l’oubliais pas…
Enfin si, parfois, mais je faisais de gros efforts pour m’en souvenir, contrairement à lui qui semblait s’obstiner à se convaincre du contraire !

Encore une preuve de notre différence, de notre… incompatibilité.
Qu’est-ce que nous faisions là au juste ?
Lui et moi… cette mise en scène… c’était… ridicule et… tellement inconcevable !
C’était un vampire alors il n’aurait pas du être capable de… de ce genre de trucs !
Et moi, je n’aurais pas du songer ne serait-ce qu’une seconde à accepter son offre.

Cependant, je l’avais fais.
Brièvement certes mais pendant un tout petit instant je m’étais interroger sur ce que je voulais vraiment.
En réalité, je n’avais toujours pas la réponse puisque ma raison s’était vivement imposée dans cette réflexion.
Ce que je désirais ne comptait pas tellement de toute manière.
C’était ce que je devais faire qui avait de l’importance.
Ce que je devais faire et rien d’autre…

D’ailleurs pourquoi est-ce que j’aurais voulu rester en sa compagnie ?
Les autres fois, il n’avait été qu’un rustre, qu’un homme immoral… ou plutôt qu’un vampire immoral qui n’aspirait qu’à me mordre…
Aller savoir pourquoi son fantasme avait été de m’entendre avouer que j’en avais envie… mais heureusement j’y avais mi un terme… plus ou moins rapidement, je vous l’accorde.

Tout ça pour dire qu’il n’y avait rien qui me motivait à accepter !
Il aurait beau me faire les yeux doux ou m’emprisonner chez lui, ça ne changerait rien aux faits.
Je n’avais pas envie de rester.
Moi passer une soirée avec un vampire de mon plein grès ?
Non mais c’était à mourir de rire !
Il n’avait tout de même pas cru sérieusement que je pourrais accepter ?!

Néanmoins, je… dans son regard… j’avais vu qu’il était on ne peut plus sérieux.
Il voulait réellement que je reste.
Après, j’ignorais pourquoi, hein…
Il rêvait peut-être tout simplement de m’inviter à dîner… genre moi qui serait le dîner…
Il avait tout un tas de raison, toutes plus malhonnêtes les unes que les autres de le désirer…
Ça n’avait probablement rien à voir avec sa pseudo-déclaration lorsqu’il avait parlé de sa jalousie dix nuits plus tôt !

Je ne voulais pas que ça ait quelque chose à voir…
Parce que c’était une idée que je ne pouvais tout bonnement pas accepter.
Je veux dire… l’idée qu’il puisse ressentir quelque chose pour moi, quelque chose qui n’avait rien à voir avec de l’animosité ou de l’aversion…
Je refusais de reconnaître qu’il puisse éprouver des émotions réelles…
Si c’était le cas pour lui alors… c’était aussi le cas pour tous ceux que j’avais tué et ça… ça c’était insupportable !
Dès lors, il aurait eu raison et je n’aurais pas valut mieux que lui…
Une hypothèse qui me répugnait !

Peut-être… oui, peut-être que ce n’était que son « tripe » du moment.
Se rapprocher d’une humaine, la séduire peut-être…
Même si il s’y prenait vraiment mal si c’était ça !
C’était certainement une forme de désir, une idée fixe qu’il s’était fait et dont il ne voulait pas en démordre malgré mes refus catégoriques.
C’était la seule explication…

J’avais cru… j’avais espéré qu’après s’être tenu loin de moi pendant dix jours, il se serait repris et n’aurait pas tenté de nouvelles approches.
J’avais réellement cru que tout était terminé et que j’allais pouvoir retrouver la tranquillité de ma vie.

…
Mais est-ce que j’en avais envie ?
Le revoir, là…
Ça me faisait encore plus réaliser combien mes journées avaient été ternes et… vides…
Vides de sens et d’intérêt…
Il me suffisait de le regarder pour que mon cœur s’agite légèrement pour que mon sang se réchauffe dans mes veines et que… mon univers s’anime…
Et je savais pertinemment que j’aurais du détester ça, maudire ses sentiments indisciplinés et celui qui les suscitait en moi.

Dix jours… dix jours de tranquillité.
Mais est-ce que j’avais apprécié celle-ci ?
… Pas du tout…
Tout ce temps j’avais été en quête d’une chose que… que je ne trouvais pas.
Ou plutôt, même si ça ne m’enchantait pas, que je trouvais uniquement en sa compagnie.
C’était comme s’il avait réveillé mon côté obscur et qu’à présent je ne pouvais plus le rendormir, comme s’il restait à l’affût en permanence au lieu de somnoler comme je lui sommais de le faire et comme il l’avait toujours fais jusqu’ici…

Si Luca sortait définitivement de ma vie… est-ce que je saurais capable de me retrouver ?
De redompter cette partie de moi et de recommencer à apprécier les choses simples de la vie… de ma vie.
N’était-ce pas justement comme ça que je la voulais ? Simple et sans soucis… avec juste parfois un peu d’animation lié à la chasse.
Une animation que je savais contrôler d’ordinaire et qui disparaissait aussi vite qu’elle était apparut.

Nous verrions…
Oui parce que je ne comptais pas l’y laisser.
Dans mon existence, je veux dire.
Alors même si je n’étais plus jamais capable de sourire naturellement aux conversations de mes amis et bien je ferais semblant.
J’étais passée maître dans cet art et je serais parfaitement capable de m’en accommoder !

Quoi qu’il arrive, le vampire ne devait plus m’approcher.
Sinon, je… ça ne rendrait que les choses plus compliquées et j’aurais encore plus de mal à faire disparaître ce qu’il m’avait légué.
Donc tant pis pour son invitation.
Même si l’idée de le « décevoir » et peut-être de « l’attrister », si tant est que ce soit possible, ne m’enchantait pas, je… je n’avais pas vraiment le choix.

C’est pour ça que j’avais coupé court à tout ça.
Je ne voulais même pas lui laisser le temps de répliquer !
Sans doute que j’étais trop lâche… que je craignais qu’il ne réussisse à me convaincre…
Mais je… je me sentais toujours trop vulnérable, trop malléable quand il était question de lui et même si je me débattais férocement contre cette sensation… ce soir, en le voyant plus humain que jamais, je… je craignais de ne pas en avoir la force… ou le courage peut-être bien.

En outre, je ne m’étais pas montrée trop dur, du moins je le croyais.
J’avais même été sincère en lui disant que j’appréciais le geste.
Au moins autant que lorsque j’avais affirmé qu’il n’aurait pas du le faire.
Là-dessus aussi je ne mentais pas.
Toutefois, il l’avait fais et nous ne pouvions pas revenir en arrière.
Et il me faudrait d’autant plus d’efforts pour l’oublier maintenant qu’il s’était montré si… si correct, j’ai envie de dire.

Je m’étais même excusée.
Je n’avais pas été obligée de le faire mais je l’avais fais malgré tout.
Pourtant, Dieu sait que je n’aimais pas me montrer « gentille » avec lui.
Bah oui, je tenais à ce qu’il me déteste suffisamment pour s’éloigner de lui-même alors si je me montrer douce ne serait-ce qu’un peu… je ne voulais pas qu’il prenne ça pour une incitation à venir me tourmenter d’avantage.

M’enfin peut-être que la douceur aurait réussis là où la rancœur avait échoué… il s’en serait peut-être rapidement lassé…
Cependant, je n’étais pas prête à prendre le risque !
Parce que… je ne voulais pas « m’attacher » à lui…
De plus, j’ignorais si j’aurais été capable d’afficher autre chose que de la colère sur le long terme.
Déjà parce que je m’énervais toute seule et qu’il avait aussi tendance à m’irriter donc bon…
Rester tout sourire avec lui ?
Hum… je doutais que ce soit seulement possible…

Donc, j’avais la conscience relativement tranquille.
Je n’étais peut-être pas très juste en refusant de le laisser ajouter quoi que ce soit… d’autant qu’il avait sans doute mérité ce droit après tout ça… mais… je le faisais pour notre bien à tous les deux.
Non, pour le mien en fait… c’était une réaction tout à fait égoïste, je ne m’en cache pas.
Mais l’écouter ne me faciliterait pas la tâche et, en plus, je n’étais que rarement gâtée par ses propos, admettez-le.

Quand il n’affirmait pas que j’aimais ses caresses ou que j’étais inhumaine, il me reprochait de prendre la fuite en permanence…
En gros, j’en prenais souvent pour mon garde et j’estimais qu’il m’en avait déjà suffisamment dis la fois dernière.
Il ne m’épargnait pas vraiment… sauf la fois où… où il avait affirmé que je n’étais pas un monstre… même si la fois d’après il avait qualifié mes reflexes d’inhumains...

Pour tout vous dire, je n’avais pas vraiment envie d’écouter ce qu’il pouvait avoir à me dire…
Il avait trop d’impact sur moi !
Et ses intrusions fréquentes dans ma tête en étaient la preuve.
Aussi, si je pouvais éviter ça, me barricader un peu… je pensais que ça m’éviterait bien des tracas.
Par conséquent, je priais pour qu’il se montre aussi respectable qu’il l’avait été ce soir et me laisserait repartir sans insister.
Sauf que… c’était loin d’être gagné…

D’ailleurs je n’allais pas tarder à en avoir la confirmation…
J’étais là, dos à lui, toujours sur le palier.
Je… j’allais rentrer et ne plus penser à ça…
Oui, voilà ce que je devais faire…
Mais je sentais… comme un malaise en moi…
Je ne me l’expliquais pas mais ce n’était pas du tout plaisant.


« - Je savais bien que ça ne marcherait pas… » S’éleva sa voix dans mon dos, me figeant net.


Un rire nerveux lui échappa alors accroissant cette espèce de boule qui me nouait l’estomac.
Je…
Raah !
Je le détestais !
Pourquoi… pourquoi me faisait-il me sentir ainsi ?!

Et… si il le savait pourquoi l’avoir fais alors ?!
Ça ne rimait à rien !
S’il était si sûr de son échec alors je ne voyais pas pourquoi il s’y était essayé malgré tout.
Au moins ça prouvait qu’il était réaliste !
Il devait s’être douté que je ne pouvais pas accepter aussi facilement… pas accepter du tout, en vérité.

Et bien, soit.
Il allait donc pouvoir me laisser rentrer chez moi sans poser de problèmes !
Quoi qu’il fasse s’était voué à ne servir à rien, de toute façon !
Alors bon… s’il laissait tomber maintenant ça serait plus facile pour tous les deux.
Inutiles de s’épuiser dans des discussions interminables qui, nous le savions, ne mèneraient nulle part !

Je… je ne voulais pas le… « blesser » ou… ou je ne sais pas quoi mais… de toute évidence il ne vivait pas très bien cette rebuffade.
J’aurais pu le prédire évidemment mais… ça n’était pas pour ça que ça me faisait plus plaisir, loin de là.
Si j’avais eu à choisir, j’aurais préféré que mon refus le laisse de marbre et même de n’avoir jamais à le prononcé… qu’il ne m’ait jamais fais cette proposition !

Mais nous n’avions pas tout ce que nous voulions dans la vie.
La preuve il s’avança d’un pas, se retrouvant à quelques centimètres de mon dos.
J’aurais pu bouger, faire volte-face ou… ou même m’en aller précipitamment mais… je ne le fis pas.
Un mystère de plus dans ma façon de me comporter avec lui…

Oh, j’eu bien l’idée de me tourner pour être sûre qu’il ne se colle pas langoureusement à moi comme il l’avait déjà fais deux fois auparavant mais… je ne voulais pas prendre le risque qu’il se rende compte… qu’il se rende compte de ce mal-être qui m’agitait.
Et m’enfuir ?
Il aurait eu tôt fais de me rattraper s’il le décidait… et comme je l’avais dis je ne comptais pas me comporter comme une proie avec lui.

Il devait savoir… ou croire plutôt qu’il ne m’effrayait pas et que nous étions égaux.
Ce qui était complètement faux étant donné qu’il m’était supérieur sur pas mal de points… cependant s’il voulait bien y croire je ne pourrais que m’en réjouir.
Il fallait qu’il me considère comme une ennemie « redoutable » et non pas comme une simple humaine qu’il pouvait tué dès que l’envie lui en prendrait.
C’était le seul moyen que j’avais trouvé pour m’assurer un semblant de protection…
Une raison de plus pour oser lui tenir tête et le rabrouer comme je le faisais parfois… même si mon impulsivité jouait bien plus la dedans qu’une quelconque stratégie.


« - Même quand j’essaye de me montrer gentil, tu ne veux pas de moi… » Lâcha-t-il alors.


…
… …
… … …

J’étais vaguement dubitative.
Etait-il pensif ou furieux ?
Difficile à dire… les deux sans doute…
Sa voix ne m’aidait pas vraiment à être fixée en tout cas.

Et qu’avait-il dit ?
Que je ne voulais pas de lui ?
…
Je… c’est que…
Evidemment !
Evidemment que je ne voulais pas de lui !
C’était un vampire, il incarnait tout ce contre quoi je me battais !
A quoi s’était-il attendu aussi ?!

Néanmoins même en le sachant, je… j’en aurais presque culpabilisé.
Bien sûr, il s’était montré gentil mais… ça ne devait rien changer à… à nos rapports ou du moins à ceux que nous aurions du entretenir.
Deux prédateurs rivaux… voilà tout ce que nous aurions du être l’un pour l’autre !
Mais il ne m’aidait pas du tout à garder les idées claires là-dessus…

Qu’est-ce que c’était censé vouloir dire « tu ne veux pas de moi » ?
Je… je ne lui avais jamais rien promis ni rien laissée sous-entendre pouvant l’amener à croire que je pourrais un jour vouloir d’une… d’une relation quelle qu’elle soit avec lui !
Mais bon sang, que me voulait-il au juste ?!
Je… je ne comprenais pas !
Et ce… ce que je pensais comprendre me terrifiait…

Pourquoi… pourquoi me faisait-il ça à moi aussi ?!
Pourquoi est-ce que, si on se fiait à ses dires… pourquoi est-ce qu’il se donnait tant de mal ?!
Il devait bien deviner qu’il n’en récolterait rien de bon !
J’avais toujours été explicite, non ?
Je n’avais jamais manqué une occasion de lui montrer la barrière entre nous !
Alors quoi ?!
Merde à la fin !
Pourquoi est-ce que je me sentais si mal ?!
Ça n’avait pas de sens !


« - Dix jours ! … dix jours que je n’attaque plus les humains et que je me nourris de sang de porc ! … que je garde cette blessure… tout ça pour toi… » Cracha-t-il visiblement rageur.


…
… …
… … …

Mais je… je ne lui avais rien demandé moi !
Je ne… je ne voulais pas ça…
Je ne voulais pas de ça, pour être précise…
Je ne voulais pas de cette chose qu’il donnait l’impression d’éprouver !
Cependant, je… ça me touchais plus que de raison…

Il devait m’en vouloir…
Même si je n’y étais pas pour grand-chose, franchement.
C’est vrai, je ne lui avais jamais fais croire que nous pourrions être autre chose que… que ce que nous étions !
Alors je… je n’y étais pour rien !
Il ne pouvait quand même pas me le reprocher !
C’était sa décision pas la mienne !

Oh évidemment, je… je ne la regrettais pas pour ma part.
Apprendre qu’il ne tuait plus mon espèce était une bonne chose… une excellente chose même !
Disons que ça facilitait un peu les choses… et ça me donnait surtout un bon prétexte pour n’avoir pas à le tuer.

Et puis aussi… fatalement que ça ne me laissait pas indifférente.
Si ce qu’il disait était vrai alors… alors il reniait plus ou moins sa nature… ou ses habitudes au moins pour… pour moi ?
Et il souffrait de cette blessure pour… pour moi aussi ?
C’était… tellement bizarre !
Tellement incompréhensible !

Une nouvelle qui me chamboulait et c’était peu de le dire…
Là encore, j’avais envie de dire que personne n’avait jamais prétendu faire ce genre de choses pour moi…
Ce qui n’était guère surprenant puisque je voyais mal Chris m’avouer qu’il avait cessé d’être un serial killer.
De toutes mes « connaissances », Luca était le seul capable de pouvoir se vanter de ce genre de truc louches quoi…

En parallèle, j’étais sans doute la seule humaine capable de se réjouir de ce genre d’aveu et de comprendre la difficulté que ça pouvait représenter.
Pas que je sois une meurtrière mais… j’étais une chasseuse et… je chassais justement.
Pas dis que j’aurais pu arrêter de chasser du jour au lendemain et encore moins pour quelqu’un d’autre.
Tout ça pour dire que je lui étais… reconnaissante de tempérer ses envies de meurtres…
Peu importait pour quoi ou pour qui il le faisait, après tout.
Même si je préférais éviter de penser qu’il puisse le faire pour ma petite personne.


« - A moins que la seule chose qui te plaise, ce soit ça… » Poursuivit-il avec colère, m’arrachant à mes désagréables rêveries.


Avant que je ne puisse comprendre ce que ça signifiait je sentis sa main s’abattre sèchement sur mes fesses.
Je retins de justesse une exclamation de surprise et d’indignation mêlée, restant le plus stoïque, accusant le coup.
Et je ne parle pas uniquement sa maudite paume…
Je parle surtout de sa phrase…

C’était… vexant et… blessant aussi…
Pour qui me prenait-il exactement ?!
Je… je le détestais !
Je… je… Non !
Il se trompait lourdement sur mon compte !
Il avait prétendu me comprendre mais il ne comprenait rien du tout !

De plus, il était incapable de… de se tenir !
Oh génial, il avait su rester correct au moins trois minutes !
Félicitation, Monsieur Dumbrava !
Toutefois, ne vous attendez pas à un oscar pour une si piètre prestation !

Parce que… parce que c’était de ça dont il était question !
Sa gentillesse était totalement feinte !
En vérité, il n’avait pas changé !
Il était toujours aussi odieux !
Toujours aussi méprisable !
Je le savais bien !
Alors pourquoi est-ce que son geste m’attristait vaguement ?

Il n’avait pas plus de respect ou de considération pour moi que lors de notre première rencontre, visiblement.
Il avait beau dire qu’il avait fais des efforts pour moi, de toute évidence sa patience était particulièrement limitée et il n’était pas bien compliqué de lui faire oublier ses « belles résolutions » !
Mais à quoi je m’étais attendu moi ?!
C’était d’un vampire dont il était question…
Rien qu’un satané suceur de sang…

Venant de lui, il n’y avait absolument rien qui m’intéressait !
Pouvait-il réellement croire que c’était ce genre de comportement qui me branchait ?
… Il m’avait presque fais mal je vous le rappelle… et je n’étais pas encore maso.
J’étais bien des choses mais pas celle là, ne vous méprenez pas !
Aimer le danger ne faisait pas de moi une cinglé hein !

Je n’appréciais pas cette réflexion… ni l’opinion qu’il avait de moi…
Ça n’aurait pas du m’atteindre mais… je trouvais ça… dérangeant.
Qu’il puisse me voir ainsi, je veux dire…
Et puis qu’est-ce qui lui prenait ?!
Je voyais bien qu’il était furieux mais… je ne pensais pas avoir mérité ce sentiment !
Je n’étais pas irréprochable certes mais j’avais essayé de me montrer… relativement agréable !
On ne m’y reprendrait plus !
… …
Rah ! Qu’il aille au diable !

Froissée et outrée, je m’apprêtais donc à m’en aller sans ajouter un mot et sans même lui adresser un regard.
Il ne méritait même pas que je prenne la peine de faire attention à ce qu’il venait de dire !
Surtout qu’il était sous l’emprise de la colère et, moi qui d’ordinaire n’étais déjà pas friande de nos discussions, je n’avais aucune envie d’argumenter quand il était dans cet état.
Il était trop dangereux et probablement trop borné dans son idée.
Je regrettais que les choses tournent si mal mais… tant pis.
C’était lui qui l’avait cherché après tout !

Sauf que je n’eu jamais le temps de mettre cette décision en application.
En effet, Luca agrippa brutalement mon bras faisant se peindre sur mon visage une légère mine de douleur et de stupeur mêlée qui s’amplifia lorsque je me fis pousser sans ménagement contre le mur du manoir.
Avant que je ne comprenne ce qui m’arrivait, je me retrouvais plaquée au mur, une légère souffrance courant le long de mon dos qui avait heurté le mur relativement brusquement.

Le vampire ne faisait plus dans la douceur visiblement… il venait d’opter pour une autre tactique… une tactique beaucoup plus… sauvage…
Un tactique qui fit aussitôt s’accélérer les battements de mon cœur tandis qu’une bouffé de frayeur et d’incompréhension me submergeait.
Sans parler de la montée d’adrénaline certaine que ça déclencha en moi…

Je ne… je ne comprenais pas !
Pourquoi faisait-il ça ?!
Pourquoi se mettait-il à me « maltraiter » tout à coup ?!
Je… D’accord il était frustré mais je… ce n’était pas une raison pour être si… si…
Vampire…

A présent, il me faisait face et je… je me sentais toute petite…
Terriblement fragile…
Il était… si dangereux… si impressionnant !
Et moi, je me retrouvais à l’entrée de son « antre », sans défense, sans arme… sans pouvoir lui échapper…
Une position qui fit revenir les sentiments contre lesquels je luttais si ardemment…
De nouveau, il… il me faisait me sentir vivante… plus que je ne l’avais été au cours de ces dix derniers jours… et je le haïssais pour ça !

Est-ce que… est-ce qu’il avait raison ?
Est-ce que j’aimais ce genre de moment ?
Honnêtement, je n’aurais pas su le dire avec exactitude.
J’adorais au moins autant que je détestais…
Et j’avais l’impression que mon « dark passenger » ne demandait que ça, n’attendait que ça…
Ce genre de moments… devoir affronter la colère de cet immortel… être pris au piège et être confronté à des situations inconfortables et inextricables de prime abords…
Ça n’avait aucun sens !

Violent, brutal et mauvais, voilà ce qu’il était !
Voilà pourquoi je ne « voulais pas de lui » !
Sa gentillesse n’était qu’un mensonge comme ceux dont je berçais mon entourage plus souvent qu’à mon tour !
Et moi, je… je n’étais pas comme ça !
Ce n’était pas ce à quoi j’aspirais !
Mon sombre alter-ego peut-être mais pas moi !

Impuissante, je sentis qu’il me glissait quelque chose dans la main.
Un pieu… on ne perdait pas nos bonnes habitudes apparemment…
Je l’acceptais donc, refermant la main dessus dans un flou total sans le quitter des yeux…
Et là… il me gratifia d’un petit sourire… un sourire dont je me serais bien passé.
Une expression presque malsaine… quasi-carnassière selon moi, qui me glaça le sang, me fichant une trouille monstre.
Il s’avança encore vers moi, l’espace qui nous séparait se trouvant réduit à peau de chagrin.

Que… que me voulait-il au juste ?
S’il voulait que je le tue alors il s’y prenait exactement comme il fallait !
Bravo !
Je… sur l’arme, je sentais mon poing tremblait légèrement…
Ce n’était pas surprenant vu l’angoisse qui m’assaillait sans pitié !
J’ignorais ce qu’il comptait faire mais ça risquait fort d’être contre moi…

Le « jeune » homme saisit alors mon poignet avec une vivacité qui ne me permit pas de l’en empêcher, avant de l’immobiliser contre le mur, au-dessus de ma tête…
Cette fois, j’étais bel et bien captive…
Aucun moyen de me libérer ou de m’enfuir…
Il avait le champ libre… quoi qu’il veuille me faire, je ne pouvais pas riposter… je ne pouvais pas l’en empêcher…

Est-ce qu’il comptait… me mordre ?
Ou me tuer pour me « punir » de mon refus ?
Je… je l’ignorais mais mon cœur bondissait dans ma poitrine avec tellement de force…
La terreur totale pour une part de moi, l’excitation pour la seconde…
Je n’aurais pas su dire laquelle des deux primait…
Il faut dire que la limite entre elle devenait de plus en plus mince à cet instant…

Le regard voilé par l’émotion, je le vis s’approcher de nouveau et se pencher vers moi.
Pourquoi… Pourquoi fallait-il que les choses tournent si mal ?!
Je… je n’avais rien fais !
C’est vrai, je… comparé à la manière dont j’avais pu le rabrouer les fois précédentes je n’étais absolument pas à blâmer mais… non…
Aussi illogique que ça puisse paraître c’était maintenant qu’il s’énervait et je… je n’avais aucune possibilité d’échapper à son courroux.
Peut-être l’accumulation… ou peut-être commençait-il à peine à me montrer son vrai visage…

Je sentis alors ses dents commencer à jouer avec mon oreille ce qui m’arracha un frisson assez prononcé.
Je… Non !
Je devais me battre !
Ne pas le laisser gagner comme toutes les fois où se genre de « duel » s’était déclenché !
Garder mon sang-froid et ma lucidité !
Surtout ne pas me laisser submerger !
Se souvenir de ma vision !
Voilà, je devais me souvenir de ma vision !
Mais… elle me paraissait affreusement lointaine brutalement…


« - Tue-moi si tu n’aimes pas ça… » Souffla-t-il à mon oreille avant de la lécher sensuellement.


…
Le tuer… si je n’aimais pas ça… ?
Je… Je me serais méfié si j’étais lui… !
Dans mon état de fébrilité, j’aurais eu tôt fais de lever le bras droit dans un reflexe purement défensif… et il aurait tôt fait de retomber à l’état de poussière…
Une vision que je ne m’imaginais pas du tout pour tout vous dire.
Encore la preuve qu’il était bien au dessus de ces congénères dans mon esprit.
Ça me semblait tellement inconcevable qu’il puisse disparaître ainsi, lui qui avait l’air si… vivant…

En tout cas, j’ignorais si j’aimais ou non.
Oui… je crois que oui…
Enfin, non…
C’était compliqué…

Mais évidemment, je ne le tuerais pas.
Je lui avais dis que je n’en étais pas capable.
Il n’était pas stupide non plus.
Il devait bien se douter que je n’aurais pas la force de le lui planter en plein cœur…
Là-dessus aussi j’étais lâche…
Mais ça n’excluait pas l’idée de le lui planter autre part s’il menaçait ma vie…

Je m’accrochais donc à ce pieu comme à une bouée de sauvetage.
Il ne m’arriverait rien de grave tant que je l’avais, pas vrai ?
S’il me mordait, je… je pouvais lui faire passer l’envie de planter ses crocs dans ma nuque grâce à ça… non ?

De nouveau, il s’approcha.
Il était presque collé à moi à présent…
Ce qui était aussi terrifiant que grisant…
Grrr… Maudite dualité !
Pourquoi les choses ne pouvaient pas être claires et précises lorsqu’il s’agissait de lui ?!
Pourquoi fallait-il toujours que ce soit incertain, confus et contradictoire ?!

Il continuait à me mordiller l’oreille et je ne… j’avais du mal à garder la tête froide… et à garder les yeux grands ouverts… des iris bouleversés et animés par une inquiétude certaine.
Mon sang bouillonnait dans mes veines, mon corps vibrait et mes sens, comme chaque fois qu’il me touchait, furent plongés dans un émoi puissant et irrépressible.
Une fois de plus, le monde disparaissait autour de moi…
Il n’y avait plus que lui et ma maigre résistance…
Je me maudissais tellement d’être si incapable de raisonner chaque fois que ses lèvres rencontraient ma peau !

Des lèvres qui poursuivirent leur voyage jusqu’à mon cou avec lequel il se mit à jouer d’une façon affreusement provocante.
Il aurait pu me mordre si facilement… et que je me « refuse » à lui n’y aurait rien changé.
S’il l’avait voulu, il aurait pu le faire sans problème et peu lui aurait importé mes réticences.
Il avait le pouvoir, je ne pouvais pas le nier.

D’ordinaire, j’étais dos à lui quand… quand il faisait ça…
Mais là, je… je le voyais très bien !
Trop bien…
Et sa proximité m’empêchait également de me reprendre… sans parler du fait qu’il était toujours torse-nu…
De nouveau, j’étais trahie par mon propre corps… que ce soit par son manque de force et de vigueur que par son manque de volonté de se mouvoir ou de résister aux assauts du vampire.

Etait-il en colère au point de me faire réellement du mal ?
Je n’en savais rien… pour l’heure, je ne savais plus trop quoi penser.
Il avait eu l’air furibond au début mais là… je retrouvais l’espèce de… passion dont il avait déjà fais preuve, bien que celle-ci était bien plus rageuse que précédemment.
Et je perdais pieds face à elle…

Mais soudain, sa prise sur ma main se relâcha me faisant brièvement écarquiller les yeux.
Quittant ma nuque, il fit ensuite un pas en arrière, s’éloignant de moi…
Un soulagement immense jaillis en moi et, presque invisible face à la puissance de ce premier sentiment, je sentis quelque chose comme… de la déception… ?

Quoi qu’il en soit, il avait l’air un peu perdu.
Ses prunelles étaient dans le floue et il… il me semblait anormalement vulnérable brusquement.
Un comble après ce qu’il venait de me faire !
Je… je le détestais de… de générer en moi une forme de compassion après la brutalité dont il avait fais preuve contre moi qui n’avait rien fais de mal !

Toutefois, il était là, la tête légèrement baissée et moi je… idiotement je me laissais atteindre par ça.
Etait-il… Est-ce qu’il regrettait ce qu’il venait de faire ?
Oh, ça n’aurait pas suffis à l’excuser mais… ça aurait été déjà ça de pris.
Parce qu’il… il n’avait pas le droit de me traiter comme ça !
Oui, comme vous l’aurez constaté depuis qu’il avait rompu le contact, j’étais à nouveau capable de m’indigner… comme par magie…

Et puis, il releva le visage et là je… je me sentis happée par les émotions qu’il reflétait.
Rage, tristesse… et même une forme de… supplication… ?
Je ne… je ne l’avais jamais vu ainsi et ça me… ça me serrait le cœur.
C’était illogique mais je… je me sentais responsable et… j’aurais voulu chasser tout ça…
Paradoxalement, je lui en voulais terriblement.
D’avoir agis ainsi, de m’avoir « accusé » de rechercher ce genre de moment…


« - … tue-moi si tu es incapable de m'aimer… » Conclut-il alors, m’assommant littéralement.


…
… …
… … …

Je ne…
Quoi ? … Que… ?
L’aimer ?
C’était… enfin ça n’avait aucun sens !

Je… je n’y avais même jamais songé !
Cette idée ne m’était jamais passée par la tête !
L’aimer ?
Aimer… un vampire ?
C’était ridicule !

Je n’avais jamais pensée à lui ainsi !
Pour moi, il était mon ennemi et je le détestais, ça s’arrêtait là !
Je veillais à ce que ça s’arrête là !
Alors, je… non, je n’avais jamais réfléchis à ça !
Je n’avais même jamais imaginé que ce sentiment puisse coïncider avec ma « relation » avec lui !

L’aimer… ?
C’était… non… je ne… je ne pouvais pas l’aimer !
Je ne le devais pas d’ailleurs !
Si… si on m’avait dis que ce mot s’immiscerait dans nos discussions, je crois que je n’y aurais même pas cru !

Est-ce que… est-ce que j’aimais Luca ?
… La question semblait tellement incongrue !
Mais je… là tout de suite, je n’en savais rien…
Je veux dire, il me prenait tellement au dépourvu !
J’avais des sentiments pour lui mais… de l’amour ?
Je… c’était impossible, enfin !

Pour moi, mon ressenti avec lui c’était de la haine et de la rancœur !
Je n’avais jamais cherché à aller au delà.
Je n’en avais ni l’envie ni l’utilité…
Alors je n’avais pas creusé outre mesure.
Je ne dis pas que je ne m’étais jamais demandé ce qu’il suscitait en moi ni pourquoi il me mettait aussi facilement à mal ou en colère… mais je… je n’avais pas imaginé une seconde que je puisse avoir quelque chose s’apparentant à de l’amour pour lui !

Et quoi ?!
Le tuer si j’étais incapable de l’aimer ?!
Mais qu’est-ce que ça voulait dire !
Je… je ne comprenais rien du tout, moi !
Qu’est-ce que ça voulait dire exactement ?!
Qu’attendait-il comme réponse ?!
Je… je ne… qu’est-ce que j’étais censé répliquer ?

En outre, il ne… il ne pouvait pas m’aimer, lui !
C’était impossible !
Il n’avait pas de cœur !
Nous en revenions là, finalement…
A cette hypothèse concernant une forme de désir ou d’obsession ou je ne sais quoi…
Parce qu’il… il était incapable de m’aimer lui !
… Pas vrai ? …
Peut-être qu’il le croyait mais… il devait se mentir à lui-même alors !

Je devais être en train de rêver !
Tout ça n’avait ni queue ni tête !
C’était… de la folie et du… du grand n’importe quoi cette réplique !
De l’amour entre nous ?
Non… non il fallait arrêter le délire !
Je ne… je ne voulais pas l’aimer !
Déjà parce que… ça aurait forcément été à sens unique et ensuite parce que… ça ne ferait que compliqué les choses…
Deux ennemis ne sont pas censé tomber dans le sentimentalisme !

Je le fixais un long moment, totalement interloquée, la bouche légèrement entrouverte par ma stupeur et mon incompréhension.
Pour sûr, ça m’avait fais un choc de l’entendre dire ça…
Je savais bien que j’aurais du parler ou réagir mais je… j’étais tellement ébranlée par ce qu’il venait de dire que mon cerveau fonctionnait à mille à l’heure, à l’image de mon cœur, et que j’étais incapable de prononcer la moindre syllabe.
Pour tout vous dire… je réfléchissais à cette idée absurde, me rebellant tant bien que mal contre celle-ci…

Cependant au bout de plusieurs secondes d’incrédulité totale, je me repris enfin, déglutissant péniblement tandis que je marquais un temps d’hésitation.
Désemparée, je posais mon regard sur le pieu que je tenais à la main avant de reporter mon attention sur lui, le dévisageant tout en essayant de ne pas trop laisser mes traits retranscrire mon désarroi soudain.
Il faut dire qu’entre ce qu’il venait de dire et ce qu’il venait de faire j’avais largement de quoi être chamboulée !
Et je l’étais… comme en attestait mon regard particulièrement animé.

Si je ne le tuais pas… alors… il croirait que je l’aimais… et si je le tuais, je…
Non, je ne pouvais pas faire ça !
C’était ferme et définitif !
Je ne le pouvais pas !
C’était… trop dur…

Tentant de me ressaisir, je fermais les paupières, prenant une profonde inspiration avant de les rouvrir.
… Voilà qui était déjà mieux…
Je venais de retrouver un semblant de neutralité… physique… et je ne pouvais que m’en féliciter.
Je ne pouvais pas non plus le laisser assister au spectacle de l’affolement et du trouble qu’avait généré en moi ses propos !
Et je n’allais pas me mettre à pleurer non plus !

Maintenant, je devais mettre de la distance entre nous.
Histoire d’être un peu plus sereine !
Je m’écartai donc délicatement du mur, veillant à ne pas le frôler vu nos postures respectives afin de le contourner et de m’éloigner de quelques pas, de marquer une pause et de faire volte-face pour le retrouver dans mon champ de vision.
L’idée de partir comme ça m’avait effleuré l’esprit mais… je n’avais pas pu m’y résigner…
Dommage…

Un nouveau soupir m’échappa tandis que je durcissais mon regard.
Ce serait au moins une partie de mon corps qui ne me trahirait pas…


« - Tu ne sais pas ce que tu dis. » Déclarais-je un peu plus animée que je ne l’aurais voulu, implorant en moi-même pour être dans le vrai.


Ni ce qu’il faisait, ni ce qu’il me demandait…
C’était plus facile pour moi de me dire ça…
Je me disais qu’il avait dis ça sans réfléchir, emporté par un élan quelconque et qu’il ne s’était pas tout à fait rendu compte des implications de son discours.

Bon j’avais tenté d’être placide et froide en disant ça mais ce n’était pas une franche réussite… tant pis…
Je ferais mieux la prochaine fois…

Je jetai alors un regard discret sur le pieu que je tenais toujours à la main…
Résignée, j’eu alors un léger mouvement du poignet tandis que mes doigts se desserraient autour de l’arme qui tomba au sol avec un bruit léger et roula un peu plus loin.
C’était… symbolique… pour moi du moins.
Je venais tout de même de me débarrasser de mon arme !
Ce n’était pas rien !

Je plantais alors mon regard dans le sien, déterminée.


« - Toi qui te vantait il y a dix jours de me comprendre mieux que personne… tu devrais savoir que j’en suis incapable. » Continuais-je avec une neutralité feinte.


De le tuer ?
De l’aimer ?
Je n’étais pas tout à fais sûr de ce dont je parlais et me disais incapable mais… je n’avais pas l’intention de lui offrir plus de précisions.
Je n’en étais pas tout à fait certaine, moi-même alors…

Mon regard plongé dans le sien s’y égara quelque seconde malgré moi.
Rassemblant mon courage, je me repris alors un peu dépassée par tout ça :


« - Ecoute, tu… Tu as arrêté de t’en prendre aux humains ? C’est très bien et je t’en remercie pour eux mais… »


Je m’interrompis un instant.
Je devais lui faire comprendre… alors ce n’était pas le moment de faire l’enfant et de laisser mes sentiments prendre le dessus !


« - … ça ne change rien à… à ce que nous sommes. »


Je baissais légèrement la tête, espérant masquer les émotions qui m’agitaient.


« - Ça ne change rien au fait que… malgré ce que tu crois… tu ne sais rien de moi. » Articulais-je avec assurance, presque comme une accusation.


Je relevais la tête le gratifiant d’un léger sourire, un peu triste.


« - Mais tu avais quand même raison sur un point… je suis lâche… » Admis-je d’un ton que je m’attelai à rendre enjoué.


Je m’humectai nerveusement les lèvres jetant un coup d’œil au pieu que j’avais envoyé au sol.
Oui, décidemment… j’étais vraiment lâche…


« - C’est pour ça que je vais partir maintenant… » Conclus-je en tentant de rendre ma voix ferme elle qui avait été un peu trop vacillante à mon goût.

…
… …
… … …

J’avais…
Je n’avais pas supporté…
Non, j’avais fait des efforts pour nous « réconcilier » et tout ça…
Et finalement, ça tombait à l’eau…
Et ça, pour une seule raison… elle refusait…

Je m’étais même montré gentil et tout ça…
C’était bien suffisant pour accepter une soirée, non ?!
Si elle ne me donnait pas la moindre occasion, comment voulait-elle que ça s’améliore… ?!
…
Mais… c’était justement ça le truc.
Elle ne voulait pas que ça s’améliore…

Elle voulait en rester là…
Et son silence pendant dix jours le prouvait bien…
La demoiselle en avait terminé avec moi, et ne comptait plus me revoir…
…
Et bien qu’elle aille au diable !
Si elle ne voulait pas de moi, alors je ne pouvais que lui souhaiter cela !

Et ce serait plutôt juste au vu de tout ce qu’elle avait fait pour me tenir éloigné…
Elle le méritait !
Kailey… sans arrêt, elle se montrait odieuse avec moi, me rappelant que je n’étais qu’un vampire… contrairement à elle et sa race si supérieure…
Je… la méprisais pour un tas de choses…

Mais…
C’était également ce qui m’avait fait comprendre l’étrange réalité…
…
Je l’aimais…
J’aimais une humaine…
J’étais tombé amoureux d’une chasseuse…

C’était… assez bizarre en fait…
Je ne m’étais jamais demandé si beaucoup de vampires ressentaient de l’amour pour quiconque…
Même si mes liens avec Toma me prouvaient que c’était tout à fait possible…
Mais… l’amour… avec Kailey… ?

…
On aurait pu croire que ce que j’avais dit était sorti tout seul…
Mais non.
C’était tout à fait réfléchi et honnête…
C’était… le fond de ma pensée…
Et…
Ces maudits sentiments étaient… étrangement déroutants…

Mais je n’en avais pas voulu moi !
C’était elle !
Elle s’était incrustée dans ma vie en s’en prenant à moi, et désormais, c’était moi qui en payais les conséquences ?!
C’était injuste !
Je n’avais rien fait de mal pourtant !
Enfin, pas à elle en tout cas !

Et j’étais… amoureux… ?
Ou du moins, quelque chose qui s’y apparentait…
Même si, pour être honnête, ça commençait de plus en plus à ressembler à une obsession…
Dix jours à penser à elle, avant de finalement lui tendre un piège pour… l’attirer à moi…
Je devenais… accro à cette fille…
Et ça semblait aller bien au-delà de l’amour…

Mais dans ma tête, c’était de l’amour…
…
De toute manière, comment expliquer ça autrement ?
Je la détestais, elle me faisait souvent enrager et tout ça… et pourtant je la laissais vivre… pire, j’aspirais à sa présence… à son contact…
Et lorsqu’elle n’était pas là, mon esprit n’avait de cesse de se demander ce que faisait la jeune fille…
A part l’amour, je ne voyais pas ce qui pouvait donner un sens à tout ça…

Moi, je ne battais pas contre ça.
C’est ainsi que j’étais, et je n’allais pas me changer…
Si mon cœur me dictait que j’étais amoureux, alors je l’étais !
Mais elle…
Kailey allait sans cesse dans le sens contraire, refusant d’accepter les choses les plus évidentes…
Sûrement que c’était rassurant pour elle…
Mais pour moi, en revanche, c’était passablement irritant…

Je n’aimais pas les gens qui allaient contre qui ils étaient…
Et c’était de plus en plus le cas de Kailey…
La demoiselle refusait qui elle était… préférant ce concentrer sur… ce qu’elle était… c'est-à-dire une humaine…
C’était sa façon à elle de me tenir loin… de me repousser…
Mais c’était gonflant !

Pour être le mec qui subissait ses mauvais choix de carrière, je peux vous dire que je trouvais ça insupportable…
C’était… juste pas possible quoi…
Au moins, elle n’avait pas de scrupule à me descendre en flèche pour se rassurer…
Merci…
Non, ça m’atteignait mais… de là à me blesser, il ne fallait pas exagérer non plus !
Je restais un « monstrueux vampire meurtrier » après tout…

En tout cas, ma dernière phrase l’avait prise au dépourvu…
Elle en restait là, bouche bée, son cœur bondissant comme une furie dans sa poitrine…
Et bien, je ne la laissais définitivement pas indifférente…
Quant à ma phrase…
Et bien… ça faisait un peu cliché de cinéma, peut-être, mais… c’était la vérité…

C’était… sa faute…
Elle s’était immiscée dans mon monde…
Je ne l’y avais pas invitée, elle y avait plongé de son plein gré…
Alors…
Elle était bien la seule personne à blâmer pour ce qui m’arrivait aujourd’hui…
Je me ramollissais… je n’attaquais même plus les humains !
Tout ça… pour elle !
Alors…
Qu’elle mette fin à ce supplice… à ce simulacre de vie que je menais…
Si elle n’était pas en mesure de ressentir la même chose que moi, alors qu’elle m’abatte… qu’elle me libère de sa putain d’emprise !

…
La jeune fille sembla hésitante, un peu perdue aussi…
Son regard échoua sur le pieu que je lui avais donné…
…
Alors…
Alors elle allait vraiment le faire ?!
…

J’étais…
Personnellement, j’étais persuadé qu’elle ne le ferait pas…
Après tout…
Elle m’aimait elle aussi… non… ?
…

Cette possibilité…
Ce non…
Je n’arrivais pas à l’imaginer…
C’était… inacceptable…
Elle…
Ce sentiment ne pouvait pas être à sens unique…
…
Mais je craignais que ce soit le cas… pourtant… j’étais toutefois certain qu’elle ressentait la même chose… ou un truc y ressemblant au moins…

C’était idiot mais…
Je refusais vraiment l’idée contraire…
D’autant que… j’étais toujours vivant…
Elle avait pourtant souvent eu l’opportunité de m’avoir…
Je lui avais laissé des chances… des occasions… qu’elle n’avait jamais saisies…

Alors pourquoi… ?
Pourquoi ne pas m’avoir tué… ?
Une vie pour une vie… ?
Oh s’il vous plaît…
Elle était loyale mais… si ce n’était que ça, je voulais bien la libérer de sa dette envers moi, afin qu’elle ait tout le loisir de mettre fin à mes jours…

Kailey ferma les yeux quelques instants, retrouvant une fausse sérénité… qui ne l’était qu’en apparence…
Encore les battements de son cœur, que voulez-vous…
La demoiselle s’éloigna alors en prenant bien soin de m’éviter…
De nouveau, elle mettait de la distance entre nous…
Elle espérait que la distance physique se répercuterait sur la distance au niveau de l’esprit et des sentiments…
Ce qui était purement utopique… il ne fallait pas rêver non plus…
Agir ainsi était légèrement naïf…
Mais peu importe…


« - Tu ne sais pas ce que tu dis. » Se plaignit-elle, le regard animé.


…
… …
… … …

Oh si…
Malheureusement si…
Je savais parfaitement ce que je disais…
Même si… on avait plus l’impression qu’elle tentait de s’en convaincre elle-même…

Et puis…
De toute évidence, ça ne la laissait pas de marbre…
Ça l’atteignait… en bien ou en mal, je n’aurais pas pu le deviner…
Toutefois, elle n’en était pas détachée…
Elle… semblait avoir peur…
Peur que je sache précisément ce que je disais…

La jeune fille jeta un regard sur le pieu que je lui avais donné, avant de le laisser tomber sur le sol…
Elle…
Elle lâchait son arme…
Ça voulait dire qu’elle abandonnait ?
J’veux dire… que j’avais gagné ou un truc du genre ?!

En tout cas…
Elle ne manquait pas de sang-froid…
La demoiselle venait de lâcher son arme… la seule chose qui pouvait encore se dresser entre nous…
Et elle repoussait donc l’idée de me tuer…
Ce qui signifiait… qu’elle… elle m’aimait… ?
…
Franchement, j’étais dubitatif…
Elle, d’ordinaire si farouche, reconnaître aussi facilement quelque chose comme ça… ?
J’avais d’énormes doutes là…

Kailey planta alors son regard droit dans le mien…
Des yeux qui symbolisaient une certaine détermination…
Je restais ancré à ceux-ci, alors qu’elle se décida à poursuivre.


« - Toi qui te vantait il y a dix jours de me comprendre mieux que personne… tu devrais savoir que j’en suis incapable. » Ajouta-t-elle, neutre.

…
… …
… … …

Non…
Non mais c’était quoi cette phrase de merde ?!
Je devrais savoir…
Savoir qu’elle en est incapable… ?
Mais incapable de quoi ?!

De m’aimer ou de me tuer ?!
Je… la détestais !
Profondément !
Malgré ma nature de salopard, j’étais… tombé dans le sentimentalisme…
Et elle, elle se moquait de mon ouverture, de mes sentiments…
Elle se contentait de me faire mijoter… de me laisser souffrir en réfléchissant comme un débile…
Je la maudissais !

…
Mais son regard sembla se perdre quelques secondes…
Toujours plongée dans mes yeux, elle parut soudain embaumée d’un sorte de brouillard…
Du moins, c’était ce qui semblait être le cas pour son regard vaguement perdu dans le lointain…


« - Ecoute, tu… Tu as arrêté de t’en prendre aux humains ? C’est très bien et je t’en remercie pour eux mais… »


Mais…
Il y avait toujours un mais…
Et avec Kailey, plus encore qu’avec n’importe qui…
Alors que je n’aspirais à aucun « mais » venant d’elle.
Pourtant, personne ne me désappointait plus qu’elle…
Elle était passée reine dans cet art que je haïssais… malheureusement…


« - … ça ne change rien à… à ce que nous sommes. » M’asséna-t-elle, directe.


…
Ouch…
Voilà qui me remettait à ma place…
C’était…
C’était bas… mais je ne niais pas que c’était vrai…
Elle était humaine… et j’étais un vampire…

Pourtant, ça n’avait rien à voir là…
Que nous soyons humains, vampires, loups-garous, ou même martiens, ça n’avait rien à voir avec les sentiments !
Alors je trouvais que c’était une mauvaise excuse…
Pourquoi… pourquoi mettre ces barrières merdiques entre nous… ?

Et en plus…
J’avais fait tout ça… tout ça pour rien…
Je n’attaquais plus les humains, luttant contre mon désir de chasse… de sang humain…
Je buvais ce misérable sang de porc… comme un clochard, et cette blessure continuait de me faire mal…
Tout ça, c’était pour elle et…
Elle s’en fichait…
C’était bien mais, ça ne changeait rien…
Voilà ce qu’elle disait en gros…
Pas le truc super plaisant à entendre…
Surtout quand vous vous acharniez à faire des efforts…

Kailey baissa alors la tête…
Visiblement, elle…
C’était quoi ça ?!
Ça… l’atteignait ?!
Comme si elle pouvait se permettre ce luxe…
C’était elle qui me rabrouait, elle n’avait pas le droit de regretter…


« - Ça ne change rien au fait que… malgré ce que tu crois… tu ne sais rien de moi. » M’assomma-t-elle une seconde fois.


…
Ah oui… ?
Je ne savais vraiment rien d’elle… ?
En était-elle si sûre… ?
Le croyait-elle seulement sincèrement… ?

J’étais le seul…
Le seul à connaître la part d’ombre qui se cachait en elle…
Et je l’acceptais…
Contrairement à tous ces humains qu’elle savait incapables d’accepter sa réalité…
Je l’acceptais… avec cette part d’ombre…

Sa tête se releva lentement dans ma direction…
Avec… ce qui s’apparentait à un sourire triste…
Je…
Je… Non !
Qu’elle fasse partir ce putain de sourire triste !
Depuis quand elle était à plaindre ?!

C’était elle la méchante !
Elle refusait de reconnaître ses sentiments, et me laissait du coup, choir comme une merde…
Et elle osait être triste ?!
Qu’elle aille se faire foutre quoi…
Oh la pauvre petite humaine…
Tss…


« - Mais tu avais quand même raison sur un point… je suis lâche… » Admit-elle d’un ton enjoué.


…
… …
… … …

Pas besoin de le dire…
J’aurais préféré que tu reconnaisses autre chose que ça…
Tu es lâche, oui…
Et aujourd’hui plus encore…
Plus encore de repousser mes sentiments, uniquement parce que ça t’effraie…
C’est aussi lâche que minable en fait…

Mais stop…
J’en avais assez de me torturer l’esprit, alors qu’elle me balançait sans cesse dans les cordes…
J’allais devoir me reprendre… et vite…
Et lui montrer que je n’allais pas lui mener la vie facile…
Elle allait devoir prouver tout ce qu’elle avançait… et ce serait un travail quotidien… elle n’aurait pas vraiment le choix…

Elle s’humecta les lèvres, ce petit tic nerveux qu’elle utilisait régulièrement désormais, et ce, chaque fois que sa nervosité prenait le dessus, tout en fixant le pieu qu’elle avait laissé tomber au sol…


« - C’est pour ça que je vais partir maintenant… » Conclut-elle finalement, tentant d’écourter « notre » soirée…


…
Oh que non !
Certainement pas !
J’avais monté tout ce merveilleux plan, alors je ne la laisserais pas filer si facilement…
Certainement pas…

Pas après avoir fait tout ça…
C’était bien trop… bien trop d’effort, de travail…
Alors je ne lui permettrais pas de mettre un terme à tout ça si rapidement…
Surtout si elle se montrait si bornée… et si peu encline à dire ce qu’elle ressentait vraiment, sans parler de vampires et d’humains…

Je plantais alors mon regard droit dans le sien, déterminé…
Déterminé, je l’étais… à avoir des réponses notamment…
Elle ne pouvait pas filer chaque fois que l’envie lui en prenait, en m’évitant comme ça…
Elle devrait bien répondre de ses actes et de ses paroles de temps en temps…
D’ailleurs, l’un de ces « temps » tombait justement maintenant !


« - Pourquoi tu ramènes toujours ça à une histoire d’humains et de vampires ?! … je te parle de toi et moi… nos races n’ont rien à voir là-dedans. » Commençai-je, décidé, le regard exprimant une certaine incompréhension, mêlée à ma frustration.


Je…
Je détestais ça !
Pourquoi me considérer juste comme un vampire ?!
D’autant que j’avais déjà fait des efforts… pour elle !
Franchement, c’était rageant…
Ma race suffisait à me ranger avec tous mes congénères… que je sois bon ou pas…
On en revenait toujours là…
La demoiselle n’avait donc rien appris… ?
Je pensais pourtant être un bon professeur…

Je fis alors quelques pas sans destination précise, tournant plus en rond qu’autre chose…
Finalement, je me stoppais face à Kailey, la fixant avec une certaine rage… pourtant dénuée de violence…


« - Tu ne peux pas me reprocher de vouloir une place dans ton monde, alors que tu t’es immiscée dans le mien pour m’abattre comme un animal ! » Lui lançais-je sur un ton de reproche et d’incompréhension mêlées…


…
Oui…
C’était bien le cas…
C’était ce que je voulais…
Une place dans son monde…
Pas forcément une gigantesque…
Mais qu’elle pense à moi un peu plus souvent qu’une fois tous les dix jours… et parce que je l’y force…
Quelque chose d’un peu mieux gradé quoi…

Je fis alors de nouveaux pas, me rapprochant de la demoiselle…
Un sourire sincère et paisible se peignit sur mes traits tandis que j’arrivais juste devant elle, à quelques centimètres à peine…
Ma main droite alla se porter à son visage, caressant sa joue du revers des doigts, tout en captant son regard…


« - Je t’aime Kailey… » Lâchais-je, franc et direct, avec une douceur que je ne me connaissais pas.


…
Waoh !
Sacrée révélation, hein ?!
Et bien… j’en étais assez fier pour tout vous dire…
Au moins, elle ne me reprocherait pas de pas savoir ce que je disais ou quoi…
Cette fois, pas d’entourloupe… j’étais direct.

De toute manière, c’était ainsi qu’il fallait se comporter avec elle…
C’était toujours comme ça…
Les sous-entendus, elle faisait semblant de ne pas les comprendre…
Et ce qu’elle avait sous le nez, elle faisait semblant de l’ignorer…
Alors cette fois, elle ne pourrait pas reculer…


« - Tu sais que tes amis ne pourraient pas supporter ta part d’ombre… Moi je la connais… et je t’accepte… avec elle. » Continuais-je en m’abaissant légèrement, me retrouvant le visage bien en face du sien, un sourire doux sur les lèvres.


C’était la vérité…
Le super Chris ne faisait pas exception à la règle…
Il était gentil et compréhensif… ?
Non, il était amoureux…
Il était amoureux de quelqu’un dont il ignorait la partie la plus importante…
Le secret qu’elle lui cachait…

Alors qu’on ne vienne pas me dire que ces humains idiots la connaissaient mieux que moi…
Parce que le plus grand secret de sa vie, c’était à moi qu’elle l’avait révélé…
Pas à eux…
Donc pas la peine de gaspiller sa salive pour rien…
Je savais très bien ce qu’il en était.


« - … tu peux t’enfuir aussi loin que tu veux, ça ne changera rien à mes sentiments… ni aux tiens… » Repris-je, cachant en moi l’espoir qu’elle cède aussi tôt.


Lentement, je décrochais alors de son regard… avec une certaine difficulté… et une difficulté certaine !
…
Mais au bout de quelques instants, je parvins à retrouver ma liberté, et je me dirigeais alors vers ma porte, me replaçant dans l’entrée…


« - Maintenant, la balle est dans ton camp… tu peux entrer ou partir, mais tu vas devoir prendre une décision, mon ange… » Lui soufflais-je depuis l’encadrement de la porte, lui laissant le loisir d’y entrer si elle le désirait…


J’attendais donc impatiemment juste à l’entrée, désireux de savoir ce qu’elle allait faire…
Entrer ou repartir droit d’où elle venait ?
…
J’espérais qu’elle entre…
Pour parler au moins… sans oublier sa tenue monstrueusement sexy, et au décolleté bien plus que ravageur…
Mais l’avenir allait nous donner les réponses…

Après j’avais grand-mère et… et Gunner…
Néanmoins Catherine ignorait pas mal de choses… des choses qui ne lui aurait pas plu du tout.
Et Arthur… je l’aimais beaucoup mais… pas sûr qu’il sache remplacer mon frère…
Ah et Chris aussi mais… comme Ashley il était trop parfait pour que je… je le « salisse »…

C’était entre autre ce que je redoutai… que mon « dark passenger » ne les tire vers le bas…
Donc je les en préservais au maximum, quitte à me cacher même à leurs yeux.
Ils ne devaient surtout pas voir… cette autre part de moi…
Et jusqu’ici, je ne m’en étais pas trop mal sortie !
J’avais même été assez « aimable » si on s’en fiait au ressenti du garçon !

Mais bref.
Tout ça pour dire que je n’étais pas assez « douce » pour vivre une aventure comme n’importe quelle fille de mon âge.
Je veillais à ne pas me montrer, à ne pas m’ouvrir et ça déjà c’était particulièrement nuisible dans un couple d’après ce que j’avais entendu dire.
Au même titre que les secrets…
Donc pour moi c’était fichu d’avance.

Est-ce que ça m’attristait ?
Je ne pense pas…
Ce que vous ne connaissiez pas ne pouvait pas vraiment vous manquer, pas vrai ?
Moi c’était pareil.
Je n’avais jamais… vécu une relation de ce genre alors… je n’y pensais simplement pas.
Enfin, ce n’est pas totalement vrai.
Il m’était arrivé d’y penser quand j’avais vu Ashley dans les bras de ses conquêtes.
Elle semblait si heureuse alors…
Ses yeux qui pétillaient quand elle le voyait, son sourire inébranlable lorsqu’elle songeait à lui…

Mais ce n’était pas pour moi et je l’avais bien compris.
Pour l’heure, j’avais tout simplement tiré une croix dessus.
Toutefois n’allez pas croire que j’étais complètement hermétique non plus !
Si quelqu’un avait débarqué dans ma vie et avait regroupé tous les critères du « prince charmant » selon moi… et bien j’aurais laissé couler et aurais attendu de voir comment ça évoluait.
Je ne l’aurais pas rejeté de but en blanc je veux dire…
J’avais beau être méfiante je n’étais pas complètement fermée… !
Si ?

Stop !
Je m’égare !
Revenons-en au sujet qui nous intéresse.
Luca…
Et en parlant de rejeter, c’est ce que je venais de faire… une fois de plus…
Pour un peu, ça en serait devenu lassant !
Je ne l’avais pas fais de gaieté de cœur, hein… mais avais-je d’autres choix ?

J’avais donc tenté de remettre les choses à leur place.
L’éternel schéma : Toi vampire, moi humaine.
C’était basique et un peu répétitif à la longue… mais efficace.
C’était une réalité qu’il ne pouvait pas nier, contre laquelle il ne pouvait pas lutter.
Ma meilleure arme en somme…
C’est pourquoi je ne privais pas pour l’utiliser, lui rabâchant régulièrement cette rengaine.
Et j’avais l’intention de continuer jusqu’à ce qu’il comprenne.
Il ne devait plus jamais revenir ou chercher à me revoir !

Qu’il le veuille ou non, c’était ainsi que ça devait finir…
A quoi s’attendait-il ?
A ce que je lui tombe dans les bras parce qu’il m’avait proposé d’enterrer la hache de guerre ?!
De plus, je l’avais fais…
Pas lui.

C’est vrai, quoi !
Je l’avais enterré cette putain de hache !
A tel point que je m’étais excusé de devoir lui fausser compagnie et m’étais employé à me montrer moins rude que la fois précédente !
Oui mais voilà après il… il avait recommencé !
Il m’avait touché et… il s’était mis en colère contre moi et il… il ne s’était pas du tout comporté comme quelqu’un qui veut calmer les choses, au contraire !
Il ne faisait qu’envenimer tout ça !
Jusqu’à ce qu’il m’offre le clou du spectacle en me demandant de le tuer si j’étais incapable de l’aimer.

En toute honnêteté, je ne savais pas quoi lui répondre.
J’étais certaine d’être capable de le haïr mais… de l’aimer ?
On disait souvent que de la haine à l’amour, il n’y avait qu’un pas mais… à mes yeux il était franchi depuis longtemps !
Non, je… je n’allais certainement pas le laisser me mettre de telles idées dans la tête !
Le fait de ne pas vouloir le tuer et de penser à lui régulièrement, ne signifiait pas que je l’aimais pour autant !
Je n’avais jamais aimé personne de cette façon là et je ne tenais pas du tout à ce que ça change pour l’instant, encore moins si ça devait concerner un vampire, un… un ennemi !

J’étais frustrée, déconcertée et… fragilisée par tout ça…
Alors, je l’avais prévenu que j’allais partir.
C’était lâche, j’étais la première à l’admettre mais en toute franchise ça me faisait une belle jambe, tiens…
L’important n’était pas de jouer la tueuse de vampires ultra-courageuse qui n’a peur de rien et surtout pas de ses sentiments… d’elle-même… l’important c’était de sauver ce qui pouvait encore l’être et essayer de réparer les nouveaux dégâts qu’il avait causé en moi.

Je m’apprêtais donc à faire volte-face, le cœur serré tout en méditant sur son invitation, sur le fait qu’il avait cessé de s’en prendre aux humains et sur tout ce qui s’était produit…
Néanmoins c’était sans compter sur mon « hôte » qui planta dans le mien un regard décidé avant de prendre la parole sans que je ne puisse seulement tenter de m’éclipser.


« - Pourquoi tu ramènes toujours ça à une histoire d’humains et de vampires ?! … je te parle de toi et moi… nos races n’ont rien à voir là-dedans. » Commença-t-il avec détermination.


…
… …
… … …

P… Pourquoi ?
Pourquoi ?!
Il était débile ou il le faisait exprès ?!
C’était évident, non ?!

Je…
Si je ramenais toujours ça à une histoire de race c’était pour délimiter précisément nos positions !
Parce que c’était ce que nous étions et que… c’était, dans cette situation précise, au moins aussi important que qui nous étions !
Parce que j’avais toujours appris que les vampires étaient des démons malfaisants et que j’avais mis tout mon cœur à les détester et, mieux, à les éliminer !
Parce que nous étions opposés en tout point et que nos espèces étaient censées s’entretuer et non pas discuter ensemble !

C’était comme si, au beau milieu de la seconde guerre mondiale, un allemand et un français s’était rencontrés après que le français ait essayé d’assassiner l’allemand !
D’accord, ils pouvaient ensemble avoir décidé de se laisser la vie sauve, de ne pas s’en prendre à l’autre mais ça ne voulait pas dire qu’il devait se côtoyer et pousser le vice et le danger jusqu’à sa plus extrême limite !
La logique et la jugeote auraient voulu qu’ils se tiennent à l’écart l’un de l’autre… ne serait-ce que pour se protéger mutuellement !
Avoir fais la « paix » avec un allemand n’engageait pas le français à devoir supporter ce dernier en tout temps !

Je… je ramenais tout à ça parce que lui ne le faisait jamais !
Il refusait de voir le danger… !
Enfin, c’était facile pour lui… qu’avait-il à craindre de moi après tout ?
Pas grand-chose… moi en revanche, je prenais chaque fois le risque qu’il pète un plomb et m’attaque sauvagement !
Sans parler de son copain qui m’avait agrippé en pleine nuit l’autre soir !
Tant qu’il était dans ma vie, il ne pourrait que constituer un risque énorme… et je ne me sentais pas prête à le prendre.
D’autant que je ne voyais pas ce qui pouvait justifier ça.
Quel intérêt aurais-je pu avoir en traînant avec un suceur de sang ? !

En outre, il se trompait lourdement.
Nos races avaient tout à voir.
Si nous n’avions pas été de races ennemies, nous ne nous serions même jamais rencontrés !
Je n’aurais jamais tenté de le tuer et… tout aurait été plus simple.
S’il avait été humain, il n’aurait pas été… ainsi…
Il n’aurait pas été lui-même et rien de tout ça ne nous serait arrivé.
Il ne m’aurait sans doute pas suivi comme il l’avait fais jusqu’au Campfield Palace ni me m’aurait… touché comme il l’avait fais.
Nous nous serions peut-être croisé et je l’aurais oublié presque aussitôt…
Et si moi j’avais été vampire, je…
Non, je ne voulais même pas me mettre dans la peau d’une de ces créatures, pas même une seconde !

De plus, il n’y avait aucun « toi et moi ».
Toi contre moi à la rigueur…
Raah !
Je détestais ça… cette lueur d’incompréhension et de frustration dans son regard !
Je… je n’y pouvais rien moi s’il refusait de comprendre !
Qu’est-ce que je pouvais faire de plus que ce que je n’avais déjà fais pour lui permettre d’ouvrir les yeux ?!
Sérieusement, je ne voyais pas !
… Sans mauvais jeu de mot…

Et là, il se mit à tourner en rond… enrageant visiblement tout seul.
Que… ?
Ce n’était pas la peine de se mettre dans un tel état !
Je veux dire… je ne faisais que dire la vérité !
Il ne pouvait tout de même pas me reprocher ça !
D’être honnête avec moi-même !
… Du moins sur ce point précis…

Il se planta alors face à moi me fixant, visiblement assez agité intérieurement.


« - Tu ne peux pas me reprocher de vouloir une place dans ton monde, alors que tu t’es immiscée dans le mien pour m’abattre comme un animal ! »Lâcha-t-il sur un ton de reproche et de perplexité mêlés.


…
… …
… … …
Oui mais vu sous cet angle aussi !
C’était trop facile hein !

Est-ce… Est-ce qu’il essayait de me faire culpabiliser ?
… Ça aurait pu marcher, je vous l’accorde…
Mais grâce au ciel mes autres sentiments m’en préservèrent… mais partiellement seulement.
Je baissais d’ailleurs imperceptiblement la tête pour essayer de ne pas le lui montrer.

Je… ça n’avait rien à voir aussi !
Moi j’avais juste joué mon rôle, je l’avais suivis à la lettre.
J’étais son ennemie et je l’avais attaqué. C’était aussi simple que ça.
Et dans la guerre que nous menions… il n’y avait pas de pitié à avoir.
Même si à présent j’étais mal placée pour parler de ça.
Mais je…

Et puis « comme un animal » ?
Il ne fallait pas exagérer non plus !
Oh et puis si d’ailleurs !
Après tout c’était ce qu’ils étaient, non ?
Des animaux uniquement mus par un instinct et des pulsions diaboliques !
Et encore… c’était une… une insulte envers la race animalière !

Pourquoi aurais-je du faire dans le sentimentalisme lorsqu’il était question des suceurs de sang ?!
Après tout, en faisaient-ils eux quand ils tuaient mes congénères ?!
Ils n’avaient… ils n’avaient rien d’humains !
Même… même Luca…

C’était difficile à admettre et je m’embrouillais de plus en plus mais je… je savais au fond de moi qu’il restait comme eux…
Alors pourquoi est-ce que c’était si difficile d’affronter cette réalité là en face ?
Est-ce que je… est-ce que je m’étais attachée à ce vampire ?
Je redoutais de plus en plus la réponse à cette question.
Il était… important… c’était tout ce que je savais avec certitude.
Il était important pour moi… peut-être parce qu’il m’avait sauvé la vie… ou peut-être y avait-il une autre raison que je ne saisissais pas encore…

En outre… une place dans mon monde ?
Il plaisantait j’espère !
Je ne voyais pas comment il aurait pu avoir une plus grande place dans mon monde !
Je pensais à lui en tout temps ou presque !
Et il ne m’avait pas demandé mon avis pour la prendre cette place !
Il l’avait prise un point c’est tout et ne m’avait clairement pas consulté avant ça !
A croire qu’il n’en avait même pas conscience !

…
Remarquez, tant mieux si c’était le cas.
Ça voulait dire que ma stratégie fonctionnait !
Et que j’avais réussis à me barricader et à me montrer convaincante dans mes rebuffades !

Pour finir, je ne m’étais pas « immiscée » comme il disait !
Enfin si… peut-être bien mais depuis je ne réclamais que d’en sortir !
Ce n’était pas comme si j’avais insisté pour y rester !
Et je n’avais jamais voulu entrer dans son monde moi !
J’avais voulu y mettre un terme, nuance !

L’immortel s’avança alors vers moi me forçant à me raidir bien malgré moi.
J’avoue que je portais le poids d’une tension assez conséquente quand il était dans les parages !
Personnellement, j’avais bien envie de prendre mes jambes à mon cou… mais ça ne se faisait pas.
Je ne parle pas de politesse, je parle du fait qu’il détienne une rapidité hors du commun que je n’aurais jamais su égaler.

Il s’immobilisa à quelques centimètres de moi ce qui eu raison de mon cœur qui de nouveau s’emballa dangereusement.
Dès fois, moins d’humanité n’aurait pas fais de mal je vous le dis !
Enfin, je dis ça mais… je n’aurais échangé mon humanité pour rien au monde !
Elle m’était bien trop précieuse… peut-être même plus qu’à n’importe quel humain.
Et pour cause, quand vous avez l’impression qu’un monstre se tapis en vous, vous apprenez à profiter de tout ce qui vous rend humaine et qui fais de vous un être bon !

En vérité, je m’attendais à tout sauf à ce qui allait se passer.
Venant de lui je m’attendais encore à quelques leçons et punitions « physique » si vous voyez ce que je veux dire ou même à ce qu’il s’énerve une fois supplémentaire et pourtant… pas du tout.
Tout à fait l’inverse…

En effet, un sourire serein et… sincère… le sourire le plus beau que je ne lui avais jamais vu sans la moindre hésitation, prit place sur ses traits.
Pour ma part, j’avoue que je me sentais subjuguée soudain… même si je ne me l’expliquais pas et l’acceptais encore moins.
Il faut dire qu’il était particulièrement beau avec ce genre d’expression… pas qu’il soit moche d’habitude, loin de là mais… c’était appréciable en tout cas.

Puis, histoire de me dérouter davantage, il porta sa main droit sur mon visage, déposant délicatement celle-ci sur ma joue.
Du revers de ses doigts il la gratifia alors d’une légère caresse… qui me plongea dans une profonde confusion.
Et l’intensité de son regard qui accrocha le mien ne fit rien pour arranger les choses.

C’était… tellement différent… tellement inhabituel !
J’avais l’impression de ne pas avoir à faire à la même personne.
La sensualité, la provocation et même depuis peu la brutalité… ça je les lui connaissais mais cette chose là… pas encore…
Il se montrait… affreusement doux… et je… ça m’aurais presque donné envie de pleurer.
Ne rigolez pas !
Je savais bien que c’était ridicule… mais ça n’empêcha pas ma gorge de se nouer légèrement.
Et encore, je n’étais pas au bout de mes surprises…

« - Je t’aime Kailey… » Déclara-t-il avec une franchise stupéfiante et une… une douceur… déroutante…


C’était le moins que l’on puisse dire…
Déroutante ?
Quel euphémisme !
En fait, je venais de me prendre un énorme coup de massue en pleine tête, couplé à coup de poing au ventre qui me coupa aussitôt le souffle.
En gros, je me faisais littéralement tabasser par ces trois mots…

Je ne… je… !
Il… il m’aimait ?
Mais ce… c’était impossible !
Je… je n’avais rien fais pour !
J’avais même tout fait contre !
Ça ne devait pas tourner rond dans sa tête non plus !

Il ne… Il ne devait pas m’aimer !
D’ailleurs il n’était pas censé en avoir la possibilité !
Je ne… Si ça se trouvait-il disait ça à toutes les chasseuses qu’il sauvait !
Pas que je sois sûre qu’il fasse ça couramment hein mais…

Rahh !
Je… j’avais l’impression que ma tête allait exploser !
Mes prunelles toujours captives des siennes cherchaient désespérément une trace, quelque chose pouvant contredire ce qu’il venait de me dire !
La preuve qu’il n’était pas sérieux… pas sincère… ou qu’il ne savait pas de quoi il parlait…
Mais je ne trouvais rien… et plus je cherchais plus ça m’affolait…

C’était un désastre !
Il… pourquoi m’avait-il dis ça ?!
Je… il n’avait pas le droit !
Ça… ça me faisait trop de… de choses…
Ça m’atteignait beaucoup trop !

Je… je ne voulais pas le croire !
Je ne pouvais pas le croire !
Toutefois je… malgré tout et surtout malgré moi… il y avait une part de moi qui était convaincue de sa franchise…
Une partie qui n’était ni bonne, ni mauvaise pour une fois…
Une partie qui, contrairement à l’autre, se sentait anormalement paisible ainsi perdue dans ses iris d’une rare profondeur…


« - Tu sais que tes amis ne pourraient pas supporter ta part d’ombre… Moi je la connais… et je t’accepte… avec elle. » Continua-t-il en s’abaissant légèrement, son visage se plaçant ainsi bien en face du sien tandis qu’un sourire tranquille étirait ses lèvres.


…
… …
… … …

Mais pas moi…
Moi, je ne pouvais pas l’accepter…
Je ne pouvais pas m’accepter et vivre en harmonie avec elle !
C’était au dessus de mes forces !
Je ne pouvais que la combattre ou nier sa présence…
Je ne pouvais que m’épuiser dans cette guerre permanente qui n’aboutirait jamais mais que je ne pouvais pas me permettre de perdre, pas une seule seconde… hormis pendant la chasse…

Même si ça ne m’enchantait pas, il avait raison.
Mes amis n’auraient pas pu supporter ça… mais comment leur en vouloir puisque je ne le supportais pas moi-même ?
J’étais comme eux là-dessus…
J’étais humaine alors, par conséquent, je ne pouvais tout simplement pas tolérer mon « dark passenger ».

Ça aurait été plus simple si j’avais été l’un ou l’autre et non pas l’un et l’autre.
Si j’avais été uniquement cette part d’ombre… ou uniquement cette part de lumière…
Ne pas flotter en permanence entre les deux !
C’était… tellement fatiguant…

Luca… il prétendait connaître mon mauvais côté…
Est-ce qu’il en était certain ?
Probablement pouvait-il le comprendre mieux que les autres mais est-ce que ça signifiait qu’il le connaissait ?

Il n’y avait pas été confronté après tout.
Les seuls qui pouvaient s’en vanter été des vampires qui n’étaient plus là pour en parler…
Moi-même je… je ne le connaissais pas bien… et je n’en avais aucune envie pour être franche.
Je n’avais jamais tenu à tester jusqu’où il était capable d’aller ni l’étendue de sa malfaisance…

Il disait accepter mon « démon »…
Mais je l’avais à peine évoqué avec lui, je m’étais à peine confiée à lui lorsque nous en étions venu à parler de la chasse…
Enfin, probablement qu’il ne mentait pas.
Qui mieux qu’un vampire pouvait accepter un démon ?
Lui… lui, comme ses frères, il n’avait plus de part d’ombre, il était devenu cette part d’ombre…
J’en serais presque venu à l’envier là-dessus…

J’ignorais ce qu’il en était chez les autres mais… nous devions tous avoir un côté obscur… plus ou moins prononcé.
Il l’était chez moi.
Prononcé je veux dire.
Pourquoi ? Alors là… je l’ignorais.
Je n’avais pourtant pas été particulièrement à blâmer au cours de mes dix-sept années d’existence, j’avais toujours agis en bonne chrétienne…
C’était peut-être mon karma…

Mais je… j’étais incapable d’analyser précisément ce que je ressentais.
Imaginez que quelqu’un puisse vraiment me comprendre et m’accepter… mieux que je ne le faisais moi-même peut-être bien était… aussi rassurant qu’effrayant.
L’idée était agréable mais… il…
C’était un être maléfique normalement… alors il n’était pas censé pouvoir me « ressembler » ou me comprendre…
Parce que je n’étais pas comme lui !
Parce que j’étais du bon côté, moi !
J’étais… j’étais une gentille !

En un sens, c’était touchant mais… dans l’autre, c’était juste atrocement terrifiant.
Je ne voulais pas qu’il soit capable de me comprendre et encore moins de m’aimer !
Parce que je tentais encore de me convaincre que je valais mieux que les suceurs de sang, que j’avais une conscience malgré ce qu’il avait dit des chasseurs !
Alors je… j’étais tellement bouleversée !
Ce qui devait être assez apparent d’ailleurs…


« - … tu peux t’enfuir aussi loin que tu veux, ça ne changera rien à mes sentiments… ni aux tiens… » Reprit-il sur le même ton.


…
Aux… aux miens ?
Mais je ne… quels miens ?!
Je ne…
Pour tout vous dire, je ne savais pas du tout décrire mes sentiments que ce soit ceux de cet instant précis ou plus globalement, ceux que j’éprouvais pour lui.
Tout était trouble…

M’enfuir ?
Il prétendait que ça ne changerait rien…
Je n’en étais pas si sûre.
Evidemment, c’était la partie lâche qui s’exprimait là mais…
J’ignorais si j’étais plus paniquée par ses sentiments, ou du moins ceux qu’il affirmait détenir ou par mon incapacité à analyser les miens.

C’était plus simple la veille !
Enfin quand je dis la veille, je veux dire avant notre rencontre.
Les vampires voulaient me mordre et je voulais tuer les vampires.
Mais voilà que brutalement on me parlait de sentiments, d’amour même… et je ne savais plus du tout sur quel pied danser.
C’était tellement dur à croire… à admettre !

Je ne savais plus… plus ce que je devais penser.
J’étais censé le voir comme un monstre mais… je crois que j’avais égaré le mode d’emploi en chemin !
Je… il disait m’aimer et… ça m’ébranlait tellement !
Est-ce que c’était normal ? Est-ce que c’était juste parce que cela allait à l’encontre de tout ce que je croyais sur sa race ?
Je n’en savais rien…
Mais je savais qu’un aveu de Chris ne m’aurait pas fais cet effet là…
J’aurais su l’éconduire sans avoir à douter de quoi que ce soit et encore moins de mon envie de le faire !

M’arrachant à cette rêverie, les prunelles du vampire se détournèrent rendant aux miennes leur liberté… une liberté à laquelle elles n’avaient pas aspiré plus que ça… comme en attestait ma brève frustration.
Il se dirigea alors vers l’entrée du manoir et je crus l’espace d’une seconde qu’il allait rentrer comme ça sans me laisser me… me « défendre »…
Je vous accorde que ça n’aurait été que me rendre la monnaie de ma pièce pour les fois où j’avais écourté nos conversations mais bon… il ne pouvait pas dire toutes ses choses sans attendre de réponses, quoi !


« - Maintenant, la balle est dans ton camp… tu peux entrer ou partir, mais tu vas devoir prendre une décision, mon ange… »Conclut-il alors depuis l’encadrement de la porte.


…
… …
… … …

Une décision ?
Quel genre de décision ?
Je ne… je n’étais pas certaine de savoir ce qu’il attendait de moi ou les implications de cette décision.
Entrer ou partir, je veux dire.
Ça avait l’air simple de prime abord mais je redoutais que ça ne puisse signifier autre chose… une chose que je ne concevais pas encore.

Si j’entrais, est-ce qu’il allait croire que j’acceptais… ce qu’il avait dit ?
Que j’acceptais ce… bon dieu comme c’était bizarre de se dire ça… son amour ?
Mais qu’est-ce qui me prenait à moi ?!
Je ne pouvais pas sérieusement penser à entrer… si ?
Non, je…

Tout ça c’était un peu trop pour moi… trop d’un seul coup…
Sa déclaration tellement soudaine, tellement inconcevable… l’idée qu’il puisse prendre ce genre de place dans ma vie… sa nouvelle invitation… et le souvenir de tout le reste…
…
Je… j’étais perdue, désemparée et incapable de m’extirper de cette tornade d’émotions floues mais terriblement violentes.

Je le fixais, indécise et visiblement perturbée, le regard plus animé que ce que je pensais.
Je ne savais pas quoi lui dire ni de quelle manière me comporter.
Luca… qui était mon ennemi… croyait qu’il m’aimait… et je n’avais aucune idée de ce que je devais répondre à ça.
Essayer de le détromper ? De lui faire entendre raison ?
Bizarrement je… je n’en avais pas le courage…

Cependant, je ne pouvais pas non plus faire comme si de rien n’était !
Je ne pouvais pas accepter son offre et passer la soirée avec lui après ça !
Ne serait-ce parce que je me serais sentie affreusement embarrassée.
C’est peut-être puéril mais… disons que ce n’était que l’une des raisons.
Alors je… qu’est-ce que je pouvais faire maintenant ?!

Mes pensées se bousculant dans mon esprit, je m’autorisais à fermer les paupières dans un mini-soupir avant de me mettre à secouer la tête de gauche à droite, légèrement d’abord puis un peu plus frénétiquement, sans trop réaliser ce que je faisais.


« - Non… » Soufflais-je à mi-voix plus pour moi-même que pour lui.


Un refus plus instinctif et dicté par l’affolement qu’autre chose je le reconnais…
Reprenant mes esprits grâce à ce simple mot, je rouvris les paupières, rivant mes iris sur lui.


« - Non. » Répétais-je plus distinctement.


Je…
Qu’est-ce que je pouvais dire d’autre aussi ?
Il… il ne devait pas m’aimer !
Et je ne devais surtout pas l’encourager dans ce sens !
Bien sûr, je n’étais toujours pas certaine d’y croire mais peu importait pour l’heure si ses sentiments étaient réels ou non, ce qui comptait c’était d’y mettre un terme !


« - … Je… je suis désolée je… je ne peux pas… » Balbutiais-je, mal à l’aise, sans trouver autre chose à dire de plus éloquent.


Mais non, idiote !
Ce n’était pas ça qu’il fallait dire !
Allez Kailey, ressaisis-toi un peu !

Mon regard cessa de se faire fuyant retrouvant une impassibilité trompeuse.


« - Je ne veux pas. » Me corrigeais-je avec une assurance feinte, ne sachant pas tout à fait si j’étais en train de mentir ou non.


Là encore j’ignorais pour quoi est-ce que cette phrase valait exactement.
Pour son invitation ou pour les sentiments qu’il semblait vouloir m’offrir ?
Je préférais ne pas m’interroger là-dessus.
Pour l’heure ce que je voulais c’était… c’était fuir le plus loin possible.
Même s’il avait prétendu que ça ne changerait rien à tout ça, je pensais pouvoir trouver… un peu de soulagement… mais pas ici… pas avec lui !

Je m’interrompis donc, cherchant quoi ajouter… baissant légèrement la tête.
Trouves quelque chose !
Vite !


« - D’ailleurs, je suis amoureuse de Chris… » Déclarais-je dans un affreux mensonge, mon regard fuyant le sien malgré moi.


…
… …
… … …
Un peu pitoyable comme tentative mais je n’avais pas trouvé mieux sur le coup…
Un soupir profond m’échappa tandis que je jetais un regard dans mon dos.
Ma destination…


« - … Je... Je dois rentrer chez moi, maintenant… Adieu, Luca. » Conclus-je, déglutissant péniblement, le regard droit mais imperceptiblement troublé.


Sans attendre je fis volte-face, me mettant en marche.
J’avais bien retenu la leçon.
Si j’avais le malheur de traîner ou d’hésiter il allait encore réussir à me retenir…